06. NATHAN

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♫ conan gray – people watching

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Allongé sur mon lit, je fixe le plafond blanc de ma chambre, perplexe. Dans ma tête, les pensées s'acheminent en continu, se perdent. Me perdent. Et m'obsèdent. J'ai essayé de les taire, de les ignorer, mais ces dernières reviennent plus fortes que jamais. Tout mon être est partagé, tiraillé, je ne sais pas plus quoi faire que les jours précédents.

Tout a commencé la semaine dernière, lorsqu'en revenant du lycée, mon regard s'était porté sur toutes ces affiches placardées aux quatre coins de la ville. « Venez découvrir l'école de danse Martha Graham lors d'immanquables journées portes-ouvertes ce week-end ». Voilà ce qu'annonçaient les lettres capitales qui s'étalaient sur toute la largeur de chaque poster. Rien que le mot « danse » du titre avait aussitôt vibré en moi, se répétant tel un écho. Et sans mentir, tout cela avait éveillé en un instant ma curiosité au plus haut point. J'avais traversé la route, m'étais arrêté sur le trottoir juste devant, et avide d'en savoir plus, j'avais alors détaillé chacun des éléments présents dessus, chacune des petites lignes en bas de chaque page.

Et depuis ce moment, un dilemme s'impose à moi, sans que je ne sache comment le résoudre. Car comme les affiches le vantaient, il semblait en effet impossible de manquer un tel événement. Pour moi, comme pour n'importe qui d'autres, d'ailleurs. C'est pourquoi je me suis mis en tête de tout faire pour me retrouver à l'école de danse samedi après-midi. Sauf que je suis désormais censé partir d'ici une trentaine de minutes, que j'ai toujours autant envie d'y aller, mais que j'arrive à court de scénarios mentaux. Et il faut dire que ce n'est pas quelque chose que auquel j'ai pensé. Je n'ai pas anticipé ce point-là, et cela me complique désormais la tâche. Car effectivement, bien que ces affiches paraissaient m'être destinées, n'avoir été accrochées en ville qu'à mon attention, il me reste encore à trouver ce que je vais bien pouvoir dire à mes parents, ou à ma sœur, pour justifier de m'absenter aussi longtemps un samedi après-midi. Je ne peux même pas prétendre une quelconque activité avec des potes, ma famille me connaît, et sait que je suis plutôt quelqu'un de solitaire.

Je soupire. Le temps file, sans que je ne trouve la moindre idée géniale, celle qui me sauverait et pourrait me servir soudainement d'excuse pour cette sortie. Celle qui résoudrait ce problème, cet obstacle qui subsiste depuis quelques jours. Je me vois mal inventer je ne sais quel mensonge pour m'éclipser tout ce temps, mais d'un autre côté, je n'ai définitivement pas envie de manquer ces portes-ouvertes. Je n'aurais pas deux fois cette chance, je pense. J'en suis même certain. Une telle opportunité ne se représente pas plusieurs fois de suite à ta porte. Alors, il faut que je trouve un prétexte de m'y rendre, et vite. Je n'ai plus beaucoup de temps devant moi.

Mon cerveau s'active, en vain. Je me laisse retomber sur mon lit, en soupirant de plus belle. J'ai l'impression de n'être bon à rien, de seulement me noyer dans ce flot incessant de pensées qui occupent constamment mon esprit. Je ne veux pas abandonner aussi rapidement, mais j'ai comme l'impression que je vais y être contraint. L'heure tourne, je n'ai toujours aucune idée. Pourtant, au fond de moi, j'ai cet espoir, cette lueur qui résiste, comme convaincue qu'il était destiné que je tombe sur ces affiches en ville, que je m'en approche et que je les découvre. Elles ont été placées là pour que je les vois, il ne peut en être autrement. Ou tout du moins, c'est ce que je me plais à imaginer. Car je sais aussi que je le regretterai forcément, si pour n'importe quelle raison, je ne parviens pas aller à ces portes-ouvertes, et que je loupe passer ma chance. C'est comme si le moment dont je rêve tant depuis toutes ces années, devenait presque atteignable finalement.

Dancing Our Fears [EN PAUSE]Where stories live. Discover now