04. NATHAN

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♫ chelsea cutler – men on the moon

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L'espace d'un instant, j'ai l'impression que mon esprit s'échappe de mon corps. Mon lit disparaît. Tous les autres meubles de ma chambre aussi. Je flotte, inconscient. Immobile. Dans le vide. Et soudain, je me retrouve dans cette obscurité silencieuse, ce noir de jais qui envahit chacun des atomes autour de moi. C'est comme si je chutais, mais avec une sensation de suspension, de ralenti. Mon cœur palpite. Mes oreilles se brouillent, je n'entends plus rien.

Puis, tout s'accélère. Je tombe, d'un seul coup. La douleur de ma chute se diffuse dans tout mon corps. Je me débats, tente de crier, mais aucun son ne passe mes lèvres. J'ai beau me convaincre que tout ceci n'est pas réel, que ce n'est que le produit de mon imagination, de mon subconscient, je ne parviens pas à reprendre le contrôle de mon corps. Je subis ce cauchemar qui me met en transe, sans pouvoir en sortir. Je gémis, tandis que petit à petit, tout redevient net. Et audible. Le flou s'estompe et un brouhaha se forme autour de moi. Je prends soudain conscience que je me vois, je vois mon corps au sol, mais qu'étrangement, je surplombe également la scène.

Des personnes s'approchent de moi, ou plutôt du Nathan qui est à terre. Elles lui disent quelque chose, mais j'ai l'impression qu'elles s'adressent directement à moi en me chuchotant dans le creux des oreilles. Je les vois ensuite tourner autour de lui, puis les entends ricaner. Leurs rires me parviennent tel un écho, comme si je ne percevais qu'un susurrement éloigné de ce qu'ils disaient. Tout en riant, ils se mettent ensuite à le rouer de coups. Le choc du coup reçu se répercute en moi, comme si nos deux entités étaient liées. Je suis comme paralysé, dans l'incapacité de me détacher de ces entraves invisibles, tandis que mon corps se soulève au rythme des frappes. J'assiste à la scène, impuissant, et ressent la douleur de chaque coup reçu qui se répercute en moi.

Puis, je me remets à tomber. Je tente de crier, à nouveau, mais en vain. Le tourbillon dans lequel je suis pris fait résonner ce brouhaha qui, plus je me rapproche du sol, se dissipe. Les bribes de voix me parviennent petit à petit, et je parviens finalement à en distinguer quelques mots, plus nettement. Et soudain, tout s'intensifie. Je suis comme projeté vers le sol. Les mots m'assaillent, me percutent. Ils me bousculent, me déstabilisent dans ma chute. Aussitôt, je m'écroule au sol, sous le poids des insultes. Il me faut quelques secondes pour réaliser ce qu'il m'arrive, mais les ricanements semble me poursuivre. Autour de moi, des visages se mettent à apparaître. Des corps géants, difformes. Un mal de tête fulgurant m'assaille, ma vue se brouille, et je les vois comme déformés.

Ces visages se remettent à rire, tel un chœur disharmonieux et moqueur. Je reconnais ces voix. Je tente aussitôt de me débattre, mais cela s'avère inefficace face à mes adversaires. Je plisse les paupières du plus fort que je peux pour me réveiller, mais je n'y parviens pas non plus. Putain. Ce n'est qu'un rêve, Nathan. Juste un mauvais rêve parmi tant d'autres. Je tente de m'en convaincre mais les moqueries des personnes autour de moi amplifient ma migraine. Ces voix horribles m'ont suffisamment hanté durant mon adolescence pour que je les oublie. Tout est de ma faute, finalement. Ils me l'ont dit, me l'ont fait payer, maintenant, je n'arriverais donc jamais à m'en défaire.

Les larmes coulent le long de mes joues. Je suis toujours au sol, impuissant, inutile. Je subis le passé, qui me revient la nuit, pour que jamais je ne l'oublie. Je me mords l'intérieur des joues, puis relève la tête de mes bras. Bras qui commencent, à mon grand étonnement, à se noircir. Ma peau pèle, me fait mal. Je me gratte, de toutes mes forces, ce qui fait qu'empirer l'état. Petit à petit, ils s'effacent. Tels de la cendre, des poussières, les grains de ma peau s'envolent. Ils deviennent invisibles, transparents. Et tout s'efface autour de moi, en même temps que je m'efface moi-même. Je ne suis plus rien désormais, je deviens invisible aux yeux de tous. Les rires s'estompent. Les gens m'oublient, passent même en m'effleurant, me bousculant, sans se douter de ma présence. Tel un cycle sans fin...

Dancing Our Fears [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant