Theme 1 - Prisonnière

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Entre 500 et 1 000 mots - 1 012 mots

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/!\ TW : Violence /!\

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Immobile, allongée sur ce fin matelas, je fixe inexorablement ce plafond grisâtre et délavé. Les araignées en ont fait leur domaine et je crois bien qu'il ne reste plus beaucoup d'espace vierge de toiles. Il fut un temps où la vue de leurs longues pattes décharnées m'aurait terrifiée. Arachnophobe depuis l'enfance, je me serais terrée dans un coin de la pièce, paralysée par la peur. Je me souviens de ces moments d'inconscience, où seuls ces petits êtres velus étaient ma hantise. J'étais alors une jeune fille pleine de vie, riante et bienveillante. C'était il y a peu, mais cela me semble appartenir à une autre vie. Aujourd'hui, il ne reste plus rien de celle que j'étais. Je ne ressens plus la joie, je n'ai plus envie de rire, mais surtout, je n'ai plus peur. Il a voulu me briser, afin de me soumettre, et il y est parvenu, mais l'effet ne sera pas celui escompté. Oui je suis anéantie, il a tué mon innocence et fait de moi un être dénué de toute humanité. S'il pensait me voir devenir sa marionnette docile, il va être bien étonné, lorsqu'il constatera qu'il a créé un monstre assoiffé de vengeance, sans émotion et dont le seul but est de le tuer.

Lorsque je suis arrivée ici, je n'étais qu'une petite chose chétive, qui espérait trouver dans ce grand pays une terre d'accueil. J'avais fui ma patrie, ravagée par la guerre. Lorsqu'un collègue de mon père avait proposé de m'emmener vers un avenir meilleur, ma famille avait sauté sur cette occasion inespérée. Peu de temps après, j'avais embarqué sur un grand navire. Le ton avait tout de suite changé et j'avais été jetée sans ménagement dans une petite cabine. Il m'avait fallu quelques temps pour concevoir l'inconcevable et comprendre dans quel piège j'étais tombée. Du trafic d'êtres humains, voilà ce que faisait réellement mon soi-disant bienfaiteur. J'étais désormais sa marchandise, destinée à être vendue au plus offrant.

Je ne sais depuis combien de temps je suis séquestrée et je ne compte plus les sévices que j'ai subis, afin d'être obéissante et de « fermer ma gueule ». Il y a bien longtemps que j'ai perdu la notion des jours qui passent. La seule chose dont je suis persuadée, c'est que je veux qu'il paye. Dans la brume de mes pensées rageuses, je perçois le bruit distinctif de la clenche de la porte qui s'active. Ça y est ! Le voilà qui vient pour s'enquérir de sa sordide besogne quotidienne. Tous les muscles de mon corps se tendent, telle la corde d'un arc, prêt à tirer sa flèche meurtrière. Ma respiration ralentie, pour devenir presque imperceptible. Je veux qu'il ne se doute de rien, je veux qu'il ne se méfie pas, qu'il me croie inerte, prête à subir une nouvelle fois sans réagir. Mes yeux sont grand ouverts, afin d'être certaine de ne pas rater le bon moment. Mon bras gauche est plaqué entre mon corps et le mur et, à son extrémité, ma main est crispée sur mon arme de fortune. Sous la planche de bois qui me sert de sommier, j'ai remarqué un petit bout qui commençait à se fendre. A force de patience, je suis parvenue à arracher un long morceau effilé. Je l'ai gardé, caché sous le matelas, jusqu'à cet instant. Il n'est pas très solide et il me faudra bien viser, je n'aurai le droit qu'à un seul essai, mais il est mon unique chance de sortie.

J'entends son pas lourd qui s'approche, jusqu'à parvenir à côté de moi et à s'immobiliser. Du coin de l'œil, je le vois, avec son sourire sadique, qui me reluque de ses yeux remplis de vice. J'essaye de calmer les battements erratiques de mon cœur, qui s'emballe et tambourine dans mes tempes, tandis que ma respiration devient de plus en plus difficile à contrôler. Soudain, il se décide et commence à pencher vers moi son visage boursouflé. D'un geste précis et rapide, je pivote sur le côté, libérant mon bras vengeur, et enfonce la petite pointe de bois en plein dans son œil lubrique. Il hurle de douleur et se recule, portant ses deux mains à sa blessure. D'un bond, je me déplie et saute sur mes jambes. Je me rue vers la sortie, mais il me saisit par le bras. Je ne réfléchis plus, mon cerveau s'est éteint pour laisser place à mon instinct animal. Je me retourne pour lui faire face et, de ma main encore libre, je lui assène un coup-de-poing en plein ventre. Il se plie sous le coup de la surprise, mais maintient son emprise. Il enchaîne en m'envoyant une gifle d'une telle puissance que je tombe à la renverse. Dans un geste désespéré, je lance ma jambe droite contre son tibia. La béquille que je viens de lui faire le déstabilise. Il me lâche enfin et titube. Je profite de sa confusion pour me remettre debout et le frappe d'un nouvel uppercut, en plein dans la tempe. J'ai eu de la chance, ce geste l'a sonné. Je sens alors une envie irrépressible m'envahir et je saute sur lui telle une furie. Je m'accroche sur son dos à l'aide de mes jambes et je cogne à l'aveugle touchant successivement sa tête, sa clavicule ou son cou. Mes coups continuent de pleuvoir, alors qu'il tombe à terre, m'emportant avec lui. Le bas de mon corps heurte le sol avec violence, mais cela ne m'arrête pas. Son visage est désormais maculé de sang, les yeux clos et la bouche entrouverte. 


Au bout d'un moment, la raison revient et je m'arrête net. J'ai le souffle court, tout mon être n'est que souffrance. Je me redresse avec peine et je chancelle vers la porte de sortie. Je suis à moitié consciente de ce que je fais. Je crois que je monte un escalier et ouvre une nouvelle porte. Une grande lueur m'éblouit, je plisse les yeux. Tandis que j'avance sans savoir où je vais, une voix s'élève : « Mademoiselle, vous allez bien ? ». Ça y est, je crois que cette fois, je suis sauvée. 

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