CHAPITRE 1

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— Il est mort ?

— Difficile à dire...

Une forme noire gisait sur les dalles. Immobile. Le vaisseau spatial vira brusquement à gauche, mais ce soubresaut ne troubla nullement le jeune homme se trouvant à terre. Depuis une heure, ni les cris, ni les vrombissements des moteurs ne parvenaient à le réanimer.

— Je n'ai pas envie de toucher un cadavre, déclara Garance qui balaya l'air de sa main. Nous verrons bien s'il finit par se lever.

— Non ! s'interposa Benjamin en secouant la tête. Nous ne pouvons pas attendre plus longtemps ! Imagine que ce gars-là s'y connaisse en aéronef. Il nous tirerait d'un bien mauvais pas...

— Tu ne peux pas faire quelque chose, toi ?

— Je ne suis pas pilote, je te signale. Je risquerais juste de tous nous envoyer contre la première météorite venue.

L'adolescente espérait une autre réponse. Elle posa ses doigts sur son front et s'accorda quelques secondes avant de s'avancer vers le corps inerte. Elle se pencha, à l'écoute du moindre souffle de vie. Comme elle n'entendait rien, elle prit le poignet du garçon avec dégoût, comme si son état était contagieux.

Au début, rien ne se passa.

Et puis, un premier battement de cœur pulsa. Le soulagement se peignit sur les traits de Garance.

— Ouf ! Son pouls est régulier. Nous n'aurons pas besoin de lui creuser une tombe. Laissons-le donc se réveiller quand il sera prêt.

— Tu ne voudrais pas vérifier s'il perd du sang ? proposa Benjamin, tout à fait sérieux. S'il n'est pas blessé ? En plus, il est plutôt pas mal, non ?

Les joues rosies, Garance leva les yeux.

— Ça te plairait d'être déshabillé par des inconnus ? Certainement pas ! Ce mec, il lui est sans doute arrivé la même chose qu'à nous... et nous sommes encore en un seul morceau, que je sache.

Benjamin s'examina sous toutes les coutures, effectua deux ou trois flexions et lança :

— Soit. Quelle est la prochaine étape alors, cheffe ?

— D'une, on arrête de reluquer ce pauvre garçon. De deux, on détermine où on est. À nous deux, nous comprendrons peut-être comment marche le système de pilotage. Si seulement j'avais mieux écouté mes cours de mécanique...

— Tes cours de mécanique ? coupa gentiment Benjamin. Laisse-moi rire ! On t'apprend à planter des clous, à l'école, c'est tout. Tu n'as même pas l'âge de conduire une voiture. Comment voudrais-tu t'occuper d'un aéronef ? J'ai plus d'expérience que toi. Je serai donc le capitaine, un titre qui me va comme un gant. Qu'en penses-tu ?

Garance haussa les épaules, agacée qu'on la prenne pour une enfant, mais admettant son impuissance. Les seules machines qu'elle ait jamais bricolées étaient des antiquités, à peine plus grandes qu'elle. Son premier cobaye, une vieille radio écaillée, avait fini à la poubelle, complètement disséqué. Après plusieurs échecs, la jeune fille s'était améliorée. Elle avait reconstitué un tourne-disque, rien qu'à partir de sa notice et de pièces rouillées récoltées ici et là. Depuis, Garance avait même remis à neuf le frigo qui gémissait à toute heure de la journée. Mais un vaisseau, ça, elle ne s'y était jamais frottée.

La jeune fille se sentait incapable de rétablir le matériel de vol. Le mécanisme gigantesque tournait à plein régime, comme une horloge mal huilée. Il baragouinait une mélopée à la fois sinistre et envoûtante. Un grain de sable et les rouages se figeraient. L'aéronef se perdrait dans l'espace, entraînant avec lui ses passagers. Garance n'envisageait pas un destin pareil. Pourtant, la situation s'aggravait – si l'exploit était encore possible. Un voyant rouge venait de s'allumer sur le tableau de bord.

Akis2600Where stories live. Discover now