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Loid déplia l'antenne de sa petite radio.

Installé sur le banc de pierre qui bordait la maison, une cagette retournée devant lui, il faisait jouer les boutons, sans succès. Le chant des prés, assommés par l'intense chaleur de l'été, était encombré par l'entêtant grésillement de l'appareil. Passant une main dans sa nuque où perlait la sueur, Loid soupira. Pas moyen de réparer cette foutue radio.

Jetant le tournevis sur la cagette, il se laissa aller contre le mur et rajusta sa casquette. Il ne savait plus quoi faire pour s'occuper. Cela faisait trois jours. Trois jours qu'un ange dormait dans son lit. Trois jours qu'il veillait, rôdait près des fenêtres, persuadé qu'un Pacificateur s'apprêtait à défoncer sa porte. Trois jours, et elle n'avait rien dit. Pas un mot. Elle avait écrit son prénom sur un morceau de papier, puis s'était rendormie.

Loid tira de sa poche un petit étui métallique, l'ouvrit et y piocha une cigarette. La dernière. La faisant rouler entre ses doigts, il finit par la coincer entre ses lèvres. Il ne l'allumerait pas. Il la gardait pour plus tard. Lorsque l'argent lui tomberai des mains.

Loid esquissa un sourire dépité.

L'ombre fuyait rapidement à ses pieds. Il s'ennuyait. Il aurait aimé travailler au hangar, sous l'écrasant chaleur, à nettoyer les moteurs, fixer hélices et empennages, les mains irritées par le cambouis ; ou dévaler les collines à vélo, se noyer dans la touffeur de la ville, se nourrir de son vacarme et remonter les prés, installé à l'arrière de la vieille automobile du patron, entre les lourdes plaques de taules et les pots de peinture. Tout... Tout, mieux que cette interminable attente.

Les Pacificateurs viendraient. Il le savait. Ils viendraient pour elle. Ils l'emmèneraient, lui aussi. Le traîneraient jusqu'aux pieds des collines. Lui lieraient les mains, le jetteraient derrière des barreaux. Puis, après quelques coups, ils finiraient par le relâcher. Amoché, mais vivant. Du moins, si son ange ne le condamnait pas. Alors, il retrouverait le vieux hangar, s'excuserait auprès de son patron et finirait par oublier son prénom.

Loid fouilla ses poches.

Dépliant le petit papier froissé, il fit jouer sa cigarette entre ses lèvres. Ses yeux, éblouies par l'intense lumière qui se reflétait sur le morceau immaculé, parcoururent les quelques lettres, tracées à l'encre noire.

Kaguya.

Un nom exotique, de ceux que l'on n'entend qu'en haut. Un prénom d'ange. Il n'était pas certain de savoir le prononcer. Du bout des doigts, il l'écrivit dans le vide. Pas sûr, non plus, qu'il puisse un jour l'oublier.

Loid grimaça et, rangeant le papier, passa une main sur son visage brûlant. Il se leva, attrapa sa radio et se glissa à l'intérieur de la maison. La fraîcheur de la pièce, conservée par les murs en pierre, lui fit l'effet d'une caresse. Loid frissonna. Le silence l'effrayait. Il suintait du plafond, envahissant, se faufilait le long des poutres et gonflait les veines du bois.

Loid posa l'appareil sur l'étroit comptoir de la cuisine. Il fallait qu'il monte. Coulant un regard inquiet vers l'escalier plongé dans l'obscurité, il fut saisi par une vague de culpabilité. Elle avait refusé tout ce qu'il lui avait apporté. Les assiettes laissées sur le palier étaient intactes. L'ange s'était recroquevillé dans un angle de la chambre, petit coin paisible au cœur de l'enfer.

Loid ouvrit le placard.

Elle n'avait accepté qu'un morceau de pain, regardé les légumes pourrir et craché dans la soupe. Peut-être ne mangeait-on pas ces choses-là, en haut ? Loid plissa les yeux. Attrapant une chaise, il se hissa jusqu'à l'étagère branlante sur laquelle s'alignaient boîtes de conserve et sacs de farine. À l'aveugle, il fouilla derrière les pots et y dégota une tablette de chocolat, enroulée dans un vieux torchon.

Mala'ika | La Chute du zeppelinWhere stories live. Discover now