1° petits bouts d'éternels

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« Aimer quelqu'un, c'est le dépouiller de son âme et c'est lui apprendre ainsi - dans ce rapt - combien son âme est grande, inépuisable et claire. Nous souffrons tous de cela : de ne pas être assez volés. Nous souffrons des forces qui sont en nous et que personne ne sait piller, pour nous les faire découvrir.»
                  Christian Bobin



Il m'appelait Mo'.

Mo. Moni. Monique. Entre ses lèvres, mon nom avait la mélodie de la liberté. Il le jetait comme ça, comme on jette des mots d'amours, comme on jette des bouts d'étoiles et de passion. Tel un boomerang, il revenait toujours sur le bout de ses lèvres. Au bout du téléphone, il me disait : « Allô, Mo' ? C'est moi. T'a vu, aujourd'hui, il fait vachement beau. Faut pas que tu restes chez toi. Prend ton vélo, je prendrai le mien, et on va aller ... Où ? Je sais pas moi ...» Puis, il riait, et il continuait : « Je te l'ai déjà dit Moni, quand tu sors, faut jamais savoir où tu vas. Tu vas, et c'est tout ! Mais tu verras, comme à chaque fois, tu retrouves ton chemin!»

Puis, il arrivait, le diable aux trousses, toujours un sourire flanqué sur son visage et des étoiles à ses talons. Et puis après... après on partait loin. Toujours très loin. On se perdait nulle part pour revenir ailleurs. On faisait des zig zag dans la ville presque déserte parce que c'était le mois d'Août et que c'était toujours dépeuplé. On traversait les champs de tournesols sous la chaleur caniculaire et le soleil qui nous brûlait la peau. Longues, longues journées d'été, où nous ne nous soucions de rien, animés seulement par l'envie de profiter de la vie sublime qui se jetait tranquillement devant nous.

Souvent, on pédalait jusqu'au lac et on y restait jusqu'à ce que la nuit tombe. La palette trichromatique du ciel nous émerveillait. Rose, jaune et ocre... et parfois, du mauve le parsemait aussi. On s'allongeait sur l'herbe, en regardant les avions qui perçaient les nues. On attendait la nuit, qui arrivait tel le rideau final de la pièce, voilant Hélios et les cieux.

Puis, il fallait vite rentrer, parce que tu vois, c'est déjà la nuit, et que les parents ... Alors on pédalait à toute vitesse, on faisait la course, et il ne me laissait jamais gagner, et on se disait un dernier au revoir chacun au bout de la rue, que je remontais à la hâte, toute transpirante et épuisée, mais encore ravie par la journée que j'avais passé.

On avait dix-neuf ans. L'âge sans âge, celui des enfants pas encore adultes mais déjà vieux. Celui des grandes personnes qui rêvent d'enfance et d'indépendance. On se croyait maîtres du monde et éternels rêveurs. Les libres véritables. Les vrais de vrais, les honnêtes fous.

On s'imaginait, et on ne se disait plus : Moi, quand je serais grand. Parce qu'on était déjà grands. Alors, on disait seulement que demain, je serai ni astronaute, ni chanteuse, ni maîtresse. Demain, je serai heureuse. Parce que c'est tout ce qui importe. Non, tu as oublié quelque chose, Mo'. Demain, après-demain, et tous les jours qui suivront, il faut qu'on se promette de ne pas s'oublier. On se parlera peut-être plus. Parce que c'est comme ça, parce que les gens qui se connaissent deviennent parfois des inconnus, parce que les amitiés se délitent et disparaissent. C'est pas grave ça, that's life! Mais promet moi que tu n'oublieras jamais les moments qu'on a passé ensemble, toi et moi et la liberté.

Il lui arrivait comme ça d'être un poète. Moi, je n'avais pas les mots. C'est toujours lui qui les possédait. Alors, je me contentai de répondre oui. Oui, tu as ma parole. Parole d'honneur, et j'aurais Alzheimer, et j'aurais oublié la nuit et le jour et le soleil et la lune... Et j'aurais oublié le nom de la mer, les traits de mon visage et le son de ma voix que je me souviendrai. De cet été, aujourd'hui, gravé dans ma mémoire. Je te le jure. Je te le jure.

Promesse adolescente. Promesse indélébile. Nous avions marqué le temps, marqué les esprits, gravé nos noms dans la roche de nos mémoires.


Il m'appelait Mo'. Et moi je l'appelais Gabriel.





Comme l'ange.

























...

Vendredi 17 Mars 2023.

Sur un coup d'éclair, coup de génie, je me suis mise à écrire. Comme ça, très vite, pour ne rien oublier.

Nouvelle histoire ... hope you'll like it ✨

GabrielWhere stories live. Discover now