Origines.

31. Téha

Le cinglé ne doit pas souvent être remis à sa place. Pas quand il se sent plus pisser comme ça. Et dire que demain vont arriver deux autres du même genre ! C'est pas que je flippe, enfin si un peu quand même, mais me retrouver parmi tous ces gens, ces êtres surnaturels n'est pas rassurant. OK, moi aussi je fais désormais partie de ce monde, mais je ne crois pas être aussi dangereuse qu'eux, du moins pour le moment. Franchement c'est pas avec mes quinze kilos d'ailes sur chaque épaule que je vais casser trois pattes à un canard.

Je prends mon verre d'eau que j'avale cul sec, histoire d'éviter de croiser le regard de Queen. Ray m'en resserre un aussitôt et chipe au passage un bout de fromage qu'Aliah tente de ranger dans son emballage. Elle lui tape sur la main et je discerne leur aura se teinter d'un beau rouge. Je ne peux résister à sourire à la vue de leur alchimie.

Un téléphone sonne, Luka attrape un torchon pour essuyer ses mains et extirpe son portable de la poche arrière de son pantalon. L'appel est court et pas un mot ne sort de la bouche de Luka. Il raccroche et se tourne pour regarder derrière moi :

— Costa a déployé ses unités aux abords du territoire et questionné les meutes relais. Pour l'instant aucun incident n'a été relevé aux frontières.

Je me retourne et découvre Joseph les bras croisés, appuyé contre le chambranle de la porte de la cuisine.

— Bien. Quand donnera-t-il son prochain rapport ?

— A trois heures du matin.

— Le Maître fait sa ronde ? demande Joseph à l'adresse de Ray.

— Oui.

— Parfait.

Le chef de clan me jette un dernier regard, puis d'un signe de la tête salue tout le monde et disparaît. Je me remets face à mon en-cas et mords dedans. Je croise le regard d'Aliah qui lance :

— Au fait, le séjour chez les Naggas s'est bien déroulé ? Lysianah n'a pas été trop indélicate ?

— Cette empoisonneuse aura tous notre peau ! grogne Queen avant d'avaler une grande gorgée d'eau.

— C'est un peu sa spécialité, non ? remarque pince sans rire Aksel, en piquant un bout de salade qui dépasse de mon sandwich.

— Si elle pouvait se concentrer sur les Indécis qui passent sur son territoire, nous aurions moins de stress sur le dos.

— Le gros chat s'est fait avoir ? ricane Aliah en lui jetant une petite tomate qui rebondit sur sa joue. Il cligne à peine de l'œil et la toise, impassible.

— Ses fils ne se sont pas fait prier. Queen s'est fait mordre.

— Lequel t'a mordu ?

— Lysianah ! C'est une putain de vicieuse, gronde le puma, vexé.

J'y trouve une certaine satisfaction dans le fait qu'il s'est fait remettre en place par une femme. Il ne doit pas avoir l'habitude de la vexation et je ne peux m'empêcher de sourire à son malaise.

— Arrête de pleurer Queen. On a été tranquille pendant trois jours avant que Zaïan ne soit complètement réparé, ajoute Ray las de son comportement.

— Qu'est-ce que tu lui as cassé ?

Queen grogne et évite soigneusement de croiser les yeux de quiconque.

— Ce n'est pas lui. C'est moi qui lui ai brisé le cou, fait Ray dépité.

Aliah s'appuie sur son épaule, l'observe triste pour lui.

— Ça craint.

— Ouais, même avec la nuque brisée, il ne crève pas ! s'insurge Queen encore plus dépité que Ray.