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PDV Sarah

Fais chier !

Il est tellement arrogant. Il m’énerve. Qu’est ce qui m’a pris de vouloir lui poser cette question stupide. Cela faisait un bon moment que je ne l’avais pas vu. Il était tellement beau dans son costume, si sérieux. J’avais eu une irrésistible envie de le perturber. Mais cela n’a duré que quelques secondes. Il était à l’aise dans son domaine, on aurait dit que diriger était sa seconde nature.

Daniel Johnson

Une chose est sûre. Il sait séparer distraction et travail.
Dans mon lit en train de remémorer les évènements de la journée, je me cale encore plus contre l’oreiller. Après l’épisode du matin, j’ai passé le reste de la journée à l’éviter. 

Quand il est rentré dans la salle je ne saurai dire ce que j’ai ressenti. On aurait dit que le fait de le voir fortuitement comme c’était devenu fréquent, m’a manqué. C’est fou la manière dont il s’est imposé dans mes pensées avec une facilité aussi déroutante. Mais à vrai dire nos premiers rencontres étaient quand même un peu extrêmes. Il m’a sauvé d’une mort certaine et de mon ex.

Quand je repense à l’épisode de ma noyade, ça me fait froid dans le dos. D’ailleurs je n’en ai pas parlé aux parents. Sinon à l’heure qu’il est je serai privée de sortie à vie comme une gamine.

- Sarah ? Tu as une minute ?

- Maman ? Bien sûr.

Depuis quand elle me demande la permission avant de me parler ? Qu’est-ce qu’elle trafique encore ?

Je mets rapidement de côté Daniel et tout ce qui va avec. Elle s’assied sur mon lit avec l’air de vouloir parler en tête avec sa fille.

- Je veux qu’on discute de tout et de rien. Je veux que tu sois honnête parce que je ferai pareille.

- Ah ouais ? Pourquoi tant de mystère ? Si tu veux savoir, si j’ai un petit ami, je t’arrête tout de suite. Je n’en ai pas, ajoutai-je en l’imitant.

- À cause de ce type ? Comment il s’appelle déjà ? Maxence ?

Eh oui ! Je parle de certaines choses personnelles avec maman. Je l’adore. On est super proche. En plus c’était mon premier petit ami. Elle m’a vraiment aidé émotionnellement à surmonter mon chagrin.

- Non. Maximilien. Mais ne t’inquiète pas. Je crois toujours que l’amour existe. Il suffit de trouver la bonne personne. Mais coté confiance je ne peux rien te promettre.

Plus on y songe, l’amour sans la confiance est voué à disparaitre. L’amour, c’est un sujet très complexe je trouve. C’est surement pour ça qu’il n’existe pas de cours intitulé « amour ». Les parents non plus, n’ont d’astuce pour nous faire comprendre l’amour. Les parents ne cherchent qu’à repousser l’inévitable, en allant jusqu’à nous interdire les relations amoureuses pendant notre adolescence. Ils n’ont pas de technique à nous enseigner pour reconnaitre le vrai amour, pour ne pas souffrir lors d’une rupture ou même pour savoir à qui faire confiance. Certainement qu’ils savent que la plupart du temps, l’amour fait souffrir. Et ils cherchent à nous protéger et à ne pas être perturber durant notre cursus scolaire.

- Je te conseille juste de bien analyser ton partenaire avant de redonner ta confiance. Mais bon j’arrête de te déranger avec ça. Je voulais te parler d’un projet entre ton papa et moi, avoua-t-elle d’un ton complice soudain galvanisé.

- Dis-moi tout ! Qu’est ce qui t’excite autant ? Je suis curieuse.

- La curiosité est un mauvais défaut, tu sais ma fille ?

- Aller arrête de tourner autour du pot maman, lançai-je en riant.

- Tu sais que ton père prendra sa retraite l’année prochaine.

J’acquiesce de la tête. Maman était grossiste à cause de son problème de dos, papa lui a conseillé d’arrêter. Donc elle est devenue femme au foyer.

- On a réalisé des économies dans notre compte depuis des années pour ce moment. On a prévu de voyager, rien que tous les deux, dans nos pays de rêve.

- Mais vous n’êtes pas encore vieux. Et pourquoi vous avez construit la maison ?

- On ne veut pas vivre à l’étranger que je sache. Après avoir travaillé toute notre vie, on en a vraiment besoin. On veut passer nos dernières années à faire des choses qui nous rendent heureux.

- Tu me fais flipper quand tu parles de dernières années maman.

- Bon, j’arrête. D’ailleurs ton frère est déjà au courant.

- « Ola » est déjà au courant ? Bien qu’il soit au Canada, il est toujours le premier au courant, affirmai-je boudeur.

- Tu sais bien que c’est ton grand frère.

Il s’appelle « Olawolé » qui veut dire le bonheur a embaumé notre maison, mais tout le monde préfère l’appelé Ola. On est proche malgré la distance, il n’oublie jamais de m’envoyer des cadeaux intéressants chaque année.

Bon si les parents voyagent à moi la liberté !

Mais il y a un truc qui me dérange.

- En gros vous me faites assez confiance pour me laisser seul à Sèmè, une ville que je ne connais pas plutôt que de me laisser à Cotonou.

- Ne reviens pas sur ce sujet. Si tu y tiens tant, ta tante Fèmi restera avec toi pendant ces laps de temps. Elle se fera une joie d’avoir de la compagnie.

- NON ! Pas elle. Pitié.

Elle est très désagréable. Le mot désagréable est un faible mot pour la décrire. C’est la grande sœur de mon père, vu son âge je pourrais facilement l’appelé mémé. Si jamais on me laisse seul avec elle, en moins d’une semaine je serai pire que cendrillon. Elle sait bien que je ne supporte pas tante Fèmi, elle le fait exprès.

- D’ici là prouve-nous que tu peux te débrouiller seul. Ton père serait capable de tout annuler s’il avait le moindre doute sur toi.

- Je sais me débrouiller seule. Vous voyagez où d’abord.

- D’abord dans le pays puis à l’extérieur. À vrai dire, on ira à l’extérieur du pays uniquement lorsque tu auras un boulot. Et même nos petites escapades dans le pays ne dureront pas plus d’une ou deux semaines.

J’aurai dû m’en douter.

Après quelques minutes de discussions, elle s’en alla. Je dois prouver aux parents que je peux être responsable et mature. Cela signifie d’abord exceller au stage et obtenir une certaine indépendance financière. Il est nécessaire de dissuader les parents de me coller tante Fèmi au train. Elle est juste insupportable. Si sa fille l’accompagne ça sera le carnage. La peste en moi reprendrait immédiatement du service. Rien qu’à penser aux souvenirs je frissonne.

Pour ne plus y penser, je prends mes « air pod » pour écouter un son de Lady Gaga que j’adore. Je chante à tue-tête coupé de la réalité.

‘’ Stupid love ’’ de Lady Gaga

Cause all I ever wanted was love
Hey, yeah, yeah (ooh)
Hey, yeah, yeah (ooh)
Hey, yeah, yeah
All I ever wanted was love
Hey, yeah, yeah (ooh)
Hey, yeah, yeah (ooh)
Hey, yeah, yeah (ooh)
Hey, yeah, hey, yeah
I want your stupid love, love

Passé SombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant