Juin (4)

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Pour véritablement conclure les années lycée, il nous reste à participer au bal de fin d'année. Au début, je trouvais cette idée débile, mais en réalité ce n'est pas si mal. C'est une sorte de grand final, pour tourner la page, pour véritablement prendre conscience que nous n'allons plus retourner dans cette école, que nous allons voler de nos propres ailes. Enfin presque, puisqu'on va poursuivre nos études. Ce sera encore un cocon, le monde du travail viendra plus tard. Irénée, Sébastien et Fabien ont voulu se réunir chez moi, pour s'habiller.

– Classe, Mathieu, et tu n'as même pas demandé de conseils.

– Quoi ?

– Au début de l'année, tu avais toujours besoin d'aide pour t'habiller.

– Le changement a été dur, et brutal. Heureusement que vous étiez là.

– Tu te serais très bien débrouillé quand même.

Sébastien a peut-être raison, mais évidemment on ne le saura jamais. Moi je pense que non, je ne me serais pas débrouillé. Me connaissant, je serais plutôt resté dans mon coin, préférant la solitude, je n'ai jamais été quelqu'un allant vers les autres, pour s'intégrer ou se faire des amis. Ce qui a changé la donne c'est ce simple geste, un signe de Sébastien me demandant de venir m'asseoir à côté de lui. Il m'a immédiatement inclus dans son groupe et je me suis laissé porter, pour le meilleur. Parce que ce soir, je suis entouré par deux amis et mon petit copain. Si on m'avait dit ça au début de l'année, je ne l'aurais pas cru possible. Comme quoi, on peut vraiment changer. Sans s'en rendre compte, parce que je ne réalise le chemin parcouru que maintenant, même si j'avais à peu près conscience de chaque étape.

– On y va ?

La soirée a lieu dans le gymnase de l'école. Alors certes, le décor n'est pas aussi glamour que dans les séries américaines, mais c'est pas mal quand même. Des ballons, des tables bien décorées, un DJ. Qui aurait pu être Fabien s'il avait parlé de sa passion avant, mais finalement c'est mieux qu'il soit là avec nous, pour profiter de la soirée de passage entre deux mondes.

– Ils sont tous venus.

– Presque.

Jérémy et ses potes ne sont pas là. Ce n'est pas très grave. Ils ne m'auraient pas dérangé, il y a un moment que je suis passé à autre chose. Mais ce n'est pas plus mal qu'ils soient absents, eux n'ont jamais cherché à s'intégrer.


Nous sommes tous sur la piste de danse. Il n'y a plus vraiment de gêne. La plupart de nos camarades nous ne les reverrons plus après cette soirée alors on peut faire à peu près n'importe quoi, il n'y a plus de jugement.

– Il y en a qui nous regardent bizarrement.

Pourtant nous ne dansons pas de slows, je ne sais même pas s'il y en aura. Je trouve ça daté mais j'aimerais quand même pouvoir danser contre le corps de mon petit copain !

– Tu remarques seulement maintenant, Mathieu.

– Euh, je remarque quoi ?

– Ceux qui nous fixent, ce sont les membres de l'association LGBTQ+.

J'observe mieux et, effectivement, il a raison, ils portent tous un badge arc-en-ciel.

– Ils sont jaloux ?

– En partie, sans doute. Surtout, ils n'ont jamais compris pourquoi on ne rejoignait pas leur asso.

– Ils n'ont jamais demandé.

– À toi non, mais moi j'ai été approché plusieurs fois.

– Pourquoi ?

– Ça aurait fait bien que je sois dans leur association. Beau gosse, membre de l'équipe de natation, je me mélange aux autres. J'aurais été une bonne recrue, comme toi.

MathieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant