Chapitre 8

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Le groupe trouva aisément la route abandonnée qui allait au nord depuis la berge. Cette route s'estompait au bout d'une cinquantaine de pas dans un chaos végétal. Emmêlement de ronces tortueuses, de pointes crochues, de poils irritants, la chaussée avait laissé place à un capharnaüm de tentacules, de griffes et de fourrure farouche.

Ni Izak ni Perrault ne surent où cette voie aurait dû mener. Au-delà de ce cul-de-sac, il n'y avait que de la forêt au nord. De la forêt et puis de la montagne. De la montagne et puis c'était tout. Et au sud... Eh bien, on pouvait deviner les fondations d'un pont disparu depuis des siècles qui devait enjamber l'Éroda en des temps immémoriaux. Avec la route gangrenée par la vigne brune, le pont était une vieille relique d'une civilisation oubliée.

Perrault qui pensait connaître Rivade comme sa poche, s'étonna qu'il n'eût aucune idée des destinations de cet axe antique. La voie, bien que négligée, était large et en partie dallée de pierres martelées par des sabots et des roues. En réalité, c'était peut-être même la route la plus large du village et certainement la seule à être pavée. Mais de toute évidence, son utilité a été oubliée par les rivois eux-mêmes.

Alors que Perrault et Izak étaient abasourdis par l'existence d'une telle chaussée, Justinien, Léopoldine et Any inspectaient l'impasse. Il y avait effectivement un étroit chemin qui en partait entre deux buissons denses. Izak s'en approcha et pointa le tronc d'un arbre à proximité :

- Voyez ces entailles dans l'écorce de cet arbre, c'est le signe des frères Fari, dit-il en touchant avec son pouce deux runes Fa. Hé ! Regardez ça.

Izak avait repéré une branche cassée puis des traces de pas dans l'humus qui lui confirmèrent qu'un individu était passé par là dans la précipitation il y a peu. Il n'osait le dire, mais il s'amusait comme un enfant. Pour lui, l'aventure venait de commencer :

- On est sur sa piste ! s'exclama le jeune homme.

- Moins fort, Izak, fustigea Justinien. À partir de maintenant, nous allons communiquer en chuchotant. Nous avons de la chance qu'il ait baissé sa garde. Si loin de Rivade, il a dû penser qu'il était désormais en sécurité. Si nous voulons attraper notre meurtrier, il ne doit pas se sentir en danger.

- J'ai mon épée de toute façon, assura Izak.

- Espérons que nous n'aurons pas à en arriver là, soupira le médecin. Mais prenez plutôt votre arc, il sera plus utile en forêt.

Izak, un peu déçu, s'exécuta en rangeant sa lame :

- Je ne suis pas un très bon tireur.

- Peu importe, faites comme si ! siffla Justinien exaspéré.

Ainsi, ils s'enfoncèrent sous l'épaisse canopée. Izak en tête relevait silencieusement les indices qui lui permettaient de suivre la piste de l'individu. Ou plutôt des individus. Car au bout d'un moment, le rivois montra aux autres qu'il y avait plusieurs empreintes différentes.

- Ce sont celles de Barth, murmura Perrault quand il rejoignit le groupe autour des traces. Je me rappelle que ses bottes étaient dégueulasses. Aucun doute, ce sont les siennes.

Il profita du fait que tout le monde s'était réuni pour comparer discrètement les chausses de Justinien et Léopoldine avec les marques sous son nez. Il se gratta le menton d'un air perplexe, car évidemment rien ne correspondait.

- Il arrivait du nord de Rivade alors ? demanda Izak à l'attention de Perrault.

- Hein ?

Sorti de ses pensées, le chef n'avait pas compris la question du jeune homme.

Le Cycle des Ramures - Tome 1 : Les Musicéens de Castelbouchon [Terminé]Where stories live. Discover now