trois -

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ce matin
je me suis levé-e dans des draps tâchés de mon sang.
je ne me souviens plus de la dernière fois que je les ai connus immaculés,
mes draps,
ces draps de soie et de coton
dans lesquels je me drape et me confonds une fois le soir venu.

ce soir là peut-être pour la première fois avais-je dormi dans l'herbe sous la colère de juin et dans les bras du monde entier - me laissant bercer par l'allure de la foule. je ne regarde plus rien autour de moi et de mon corps en pièces détachées et je vis - illusoirement, peut-être, mais je vis.
je prétends à cette connaissance là des battements de mon cœur qui pourtant ont souvent failli s'arrêter sous ma propre menace.
peut-être ceux-là n'ont-ils jamais véritablement existés

comment m'en assurer autrement que par la mort ? autrement qu'en prononçant leur fin avec urgence - comme on dirait les litanies.

je vis sûrement quelque part ici bas entre le ciel et le gravier blanc sous mes pieds qui laisse sa trace sur mon pantalon gris et mon pull noir des soirées durant lesquelles la colère de juin est sans limites.
je vis sans grande affinité avec elle, la vie, mais je m'en convainc je m'en convainc je m'en convainc encore et encore pour ne pas y penser, pour oublier tout du bruit que mon corps impose à mon esprit et que ma mort soumet à mon existence.

ce jour là de juin mes draps étaient blancs
cassés comme ma voix comme mes oreilles et mes tympans,
d'un blanc atrocement lumineux et doux,
d'un blanc comme jamais au monde je n'en reverrai.
ce jour là mes draps étaient blancs mais depuis ce jour,
chaque matin,
inlassablement,
je me réveille dans des draps tâchés de mon sang.

aujourd'hui comme tous les jours je vais mourir Where stories live. Discover now