1: Amed

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Le trajet était toujours le même.

Ses jambes avaient du mal à suivre la cadence de ses pas tant sa démarche était empressée. Elle rentrait des cours lorsqu'elle fût interpelée par un son de respiration. Intriguée mais craintive, elle s'avança vers le buisson d'où semblait lui venir ce son étrange et y trouva assis un jeune garçon.

En un bref instant, elle ressenti un sentiment qu'elle avait déjà ressenti auparavant. Les yeux rougis par la fatigue, la peau brûlée par les larmes et les cernes creuses. Un profond sentiment de déjà-vu.

À peine pu-t-il constater sa présence qu'elle avait disparu laissant derrière elle, le mouvement des branches.

Certaines personnes suscitent l'intrigue et l'attachement de par la lumière qui éclaire leurs visages. Il garda en tête le souvenir de cette jeune fille au regard inquiet. La seule à s'être souciée de son mal-être.

Il pensait ne jamais avoir l'occasion de la recroiser mais il ne pouvait pourtant pas s'empêcher d'être hanté par ce souvenir et ce regard. Personne n'avait prêté attention à son état d'âme depuis des années. Cette bienveillance soudaine à son égard devint une obsession.

Il pensait avoir connu l'amour auparavant mais cette intuition, cette rencontre furtive et trop brève l'avait pris au dépourvu. C'était elle. Il le savait.

La pleine lune l'avait toujours fasciné. Lorsque venait la nuit, il s'étalait sur l'herbe de son jardin observant les étoiles jusqu'à qu'il finisse par s'endormir sans même s'en apercevoir. Le lendemain, il se réveillait à l'aube constatant qu'il s'était une nouvelle fois endormi dehors.

Rentrant du jardin en direction de la cuisine, il prépara le déjeuner de sa mère qu'il laissa sur une table devant sa chambre (spécifiquement installée à cet endroit afin de ne pas la réveiller). Il n'eût pas le temps de déjeuner à son tour mais manger lui importait peu.

Vêtu de vêtements assez simples et toujours accompagnés de ses souliers vernis, il fit le chemin de la maison jusqu'à l'école à pied. Il lui fallait marcher pendant une heure chaque matin mais il aimait cela, par habitude sans doute. Sa mère se préoccupait assez peu de son bien-être et le négligeait au point de ne pas se rendre compte que son fils ne mangeait pas, ne possédait pas de carte de bus et dormait dehors. Les rayons du soleil sur son visage et les fleurs aux couleurs vives qui décoraient son chemin lui procuraient un certain apaisement. Il avait appris à se satisfaire de peu et il était excessivement bon et indulgent envers sa mère. C'était un romantique voir même un bohémien.

Arrivé face à cette même façade grisonnante, il savait ce qui l'attendait mais cela ne pouvait être pire que la maison. Jamais pressé d'entrer, il ralentissait le pas et poussait un discret soupir quelques mètres avant l'arrivée.
Cette établissement ressemblait à un centre de détention pour mineurs, à un couvan austère ou même à un manoir hanté mais là-bas, il y avait Mathis, son meilleur et seul ami.

S'endormant sur sa table de cours, son professeur l'interrogeait avec sadisme. Complice des moqueries de ses élèves, il avait conscience du mal infligé mais pas de l'impact vain qu'aurait son stratagème sur l'élève concerné. Plus intelligent, il voyait à travers les yeux sombres de son professeur le besoin de pouvoir et d'autorité que traduisait son manque d'estime et ayant déjà côtoyé ce genre de parasites auparavant, il savait comment gagner à ce jeu. Le professeur n'eut pas le temps de terminer sa consigne qu'il avait déjà répondu à la question. Les élèves qui riaient sous l'effet de groupe se turent soudainement avec mépris et jalousie et le professeur afficha un regard meurtrier qu'il adressait à son bouc émissaire préféré.

MALICEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant