3: Reine de cœurs

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Le week-end venait de passer et les cours allaient reprendre. Nous étions un lundi matin plutôt ordinaire. Elle se réveilla d'une nuit qui lui semblait trop courte et se prépara pour aller en cours. Elle s'habilla d'une jupe en tulle noir et d'un T-shirt sur lequel était inscrit le titre de son film préféré (Alice au pays des merveilles). Elle coiffa ses cheveux en deux nattes qu'elle orna de rubans noirs. Elle aimait avoir ce style un peu enfantin qui lui permettait de ressentir à nouveau l'innocence de son enfance qu'on lui avait enlevé un peu trop rapidemment à son goût.

-"Sous cette apparence, les gens me prennent pour une jeune fille naïve et immature mais lorsqu'ils se mettent à converser avec moi ils sont impressionnés par mon intellect et ma maturité. Je suis disons..sûrprenante."

Après un petit déjeuner express, elle enfila ses bottes vernis à lacets et emporta son sac ainsi que son livre "Carrie", avant de refermer la porte derrière elle. Après un long trajet, elle se tint raide devant la porte d'entrée de l'établissement qui lui semblait être le plus détestable de tous ceux qu'elle avait pû voir au cours de sa vie. La façade était grise et en mauvaise état et le nom de l'établissement en fer était rouillé. Elle passa la porte d'entrée et ressenti le trac qu'un comédien peut ressentir avant d'entrer en scène mais celui-ci était encore plus intense. "La vie est une comédie" se disait-elle. Un immense jeu de cartes ou chacun bluff dans le but de gagner un peu plus d'argent ou de notoriété.

-"Et moi je ne suis pas différente des autres, j'aime gagner."

Elle ignora comme à son habitude les regards persistants et les commentaires faits à voix basse des autres jeunes filles. Elle faisait de son mieux pour garder les yeux ouverts à chaque heure de cours et pour ne pas se laisser déstabiliser par les sourires narquois des pestes et les regards charmeurs de ce même garçon dépourvu de discrétion et franchement lourd qu'elle appercevait en coin. Il n'y avait que lors du cours de français qu'elle se sentait à sa place. Elle adorait les rédactions qui lui permettaient d'exterioriser sa créativité et ses émotions à l'écrit.

Une fois venue l'heure de la pause, elle se précipitait toujours vers les cabines des toilettes afin de s'enfermer et de pouvoir se retrouver seule. L'odeur des déjections humaines lui semblait plus supportable que la compagnie de certaines personnes. A nouveau avec sa musique, elle attendait impatiemment la dernière sonnerie.

Enfin à la sortie, elle observait les gens se précipiter vers leurs amis qui les attendaient, se sentant reconnaissante de sa propre compagnie. Elle marchait à grande vitesse voulant éviter quiconque tenterait de l'approcher même si elle savait que cela serait peu probable. Néanmoins, elle avait raison de croire qu'elle n'était pas en sécurité. Un sentiment nouveau l'habitait régulièrement. Plus précisément à chaque fois qu'elle se trouvait dans un lieu public. Elle se sentait observée mais pas par des regard interrogateurs et habituels mais par un regard plus lointain.

"Il serait nécessaire de consulter quelqu'un" se disait-elle, mais cela lui était de toute façon impossible sans le consentement de ses parents qui étaient fort peu préoccupés par les états d'âme de leur fille. La lutte contre sa santé mentale instable venait de commencer. Elle savait d'où venaient ses problèmes mais détenait-elle vraiment toutes les solutions à elle seule ?

Elle détourna exceptionnellement son trajet habituel dans le but d'explorer la forêt qui l'intriguait depuis des années et qui se trouvait juste en face de chez elle. Elle entra dans cette forêt aux arbres dôtés de branches entremêlées et imposantes qui assombrissaient la forêt et la décoraient dans un style un peu gothique voir romantique. Ses bottes blanches vernis n'allaient pas tarder à se recouvrir de boue mais cela lui importait peu. Elle voulait explorer cet endroit et découvrir s'il était à la hauteur de son imagination. Elle espérait découvrir un endroit apaisant et inspirant mais en réalité ses craintes s'intensifièrent. Soudainement, elle commença à imaginer tous types de scénarios chaotiques et repris conscience de l'insécurité d'une jeune fille dans ce monde débordant de détraqués. Elle fuya laissant pour seul son le craquement sous ses bottes.

De retour à son point de départ, regardant vers la haute fenêtre de sa chambre, elle se demandait si cet espace qui lui semblait si étroit et étouffant serait son lieu de décès. Une chambre charmante en apparence, immergée de souvenirs familiaux déchirants. Son teint blâfard lui donnait l'air malade mais n'étant victime d'aucune anormalité physique, personne ne s'en préoccupait.

Elle a longtemps pensé être ce genre de fille trop discrète pour qu'on l'appercoive, à la voix trop délicate pour qu'on l'entende. Mais elle a finit par comprendre qu'à défaut de l'écouter les gens l'entendaient.

Elle souffrait de son mauvais entourage. En effet, ses amis étaient plutôt égoïstes et niaient volontairement les signes révélateurs de son mal-être pendant que ses parents ne cessaient de la rabaisser. Cependant la vie est aussi imprévisble que la mort. Le bonheur peut surgir après un siècle de malheur. C'est ce qu'elle se répétait en boucle comme un disque rayé dans le but de ne pas perdre espoir. Toutes ces citations philosophiques qu'elle écrivait seule à son bureau pour tenir un peu plus longtemps.

La routine était installée depuis tellement de temps que la vie lui semblait sans issue. Le monde lui semblait si petit et étouffant et la vie sera comme elle l'a toujours été, se disait-elle. Solitaire face au même horizon. Elle voulait partir. Peut-importe où, l'endroit serait meilleur. Quelqu'un dirigeait quelque chose qui lui échappait: sa vie, son destin. Et qu'importe ce qu'elle en pensait, elle se devait de Lui faire confiance.

Soudainement, elle eu l'envie de profiter seule de l'air frais et humide que la nuit n'allait tarder à apporter. Elle sorti profiter des rayons du soleil qu'elle pouvait encore légèrement sentir sur son visage avant la tombée de la nuit. Elle marchait fièrement dans la rue avec un sentiment inexplicable. Le sentiment que sa tristesse devenait agréable.

Elle revint à domicile une fois le soleil disparu et regarda le ciel en souriant. Elle n'était pourtant pas plus heureuse qu'hier. En réalité, elle aurait voulu mourir pour faire taire son chagrin. Mourir à ciel ouvert.

MALICEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant