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Max ne peut s'empêcher de poser des dizaines de questions, que seule la curiosité enfantine est capable de générer. Lufu lui répond avec patience.

— Comment vous êtes devenus des objets ? demande Suu.

— Je ne suis pas "devenue" un objet, je SUIS une dague. Pas n'importe laquelle très chère ! J'étais vénérée en mon temps ! Ma lame est faite dans une pierre venue des étoiles, envoyée par les dieux pour que des mortels soient sacrifiés en leur nom.

— Des sacrifices ? s'étonne Lufu. Que c'est barbare...

— Petite nature, souffle la dague, on ne sacrifiait pas n'importe qui de mon temps : plus le sacrifié avait de la valeur plus l'offrande était appréciée. Comme des lamas blancs ou des enfants. C'est très raffiné !

Lufu est dégouté.

— Sacrifié ? C'est quoi ?

— C'est quand une personne meurt pour une cause, ou obtenir une faveur, explique le collier en cherchant à ne pas choquer la petite lampe.

Autre temps autre mœurs, se dit Suu. Autrefois des civilisations trouvaient les sacrifices normaux et indispensables.

— Vous venez d'une culture pré-colombienne ? hasarde Suu en vérifiant son chemin sur l'application.

— Maya, pointe la vieille sèchement, la plus grande de toute. Et vous Lufu ? Qu'est-ce que "Ta-Seti" ?

— C'était le nom que donnait les Nubiens à leur région, avant que l'empire Egyptien ne s'étende vers le sud du Nil.

— Oh. Vous avez l'air d'être ancien, ponctue la vieille comme si Lufu avait gagné un point sur son échelle du respect.

Suu roule des yeux, la vieille bique ne semble pas connaitre grand-chose en dehors des Maya.

— Je n'étais pas une pierre à cette époque...

Alors que la nostalgie le saisit, Suu s'arrête devant un vieil immeuble délabré. La façade, bien que mal entretenue, arbore toutefois des balcons fleuris en fer forgé. Une porte en bois datant d'un autre âge, est peinte dans un turquoise qui devait être éclatant autrefois.

Suu vérifie : c'est bien ici. Mais il n'y a aucune indication. Sa main teste la poignée : la porte s'ouvre toute seule en grand.

Un souffle chaud s'échappe du long couloir qui s'étend derrière le battant. Une forte odeur d'encens saisit les narines de Suu qui plisse le nez.

— Ça sent la magie là-dedans ! S'exclame la jeune voix.

Lufu et la dague se sont tut. Une tension est palpable, mais il en faut plus pour arrêter la femme avide de vengeance. D'un pas qui ne manque pas d'assurance elle entre. A peine le seuil franchit, la porte claque violemment derrière eux.

Suu épate ses compagnons en ne montrant aucune peur. Pourtant son cœur tambourine, gorgé d'adrénaline. Le couloir est éclairé par la faible lueur de petites bougies, posée sur des gros meubles sombre et encombrants. L'odeur du vieux bois se mêle à celle de l'encens.

Au fond, une porte s'ouvre encore dans un grincement inquiétant. Suu entre et débouche dans une pièce exigüe, remplie d'ingrédients étranges du sol au plafond. Ça sent le formol, les herbes et la moisissure. Bien que ce soit le milieu de la nuit, une dame d'un âge vénérable attend Suu dans un très vieux fauteuil. La prêtresse, un âge indéfinie, porte une tenue traditionnelle et de gros bijoux.

— Ah ! Vous voilà. Pas trop tôt, hein ? Viens là, elle fait un geste de la main.

Suu s'approche du fauteuil en face d'elle. La table qui les sépare est revêtue d'une nappe blanche. La prêtresse ne perd pas de temps en présentation et lance des petits osselets gravés. Les yeux exorbités, Suu les regarde rouler.

Yenka ! [Aventure - Fantastique]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant