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Suu se tend, prête à se défendre. Les rires fusent et l'ambiance devient pesante. Il n'y a personne, mais elle a retenu la leçon et tire le collier de sa poche, s'assoit et l'enfile à son cou.

Comme la dernière fois, elle sent son âme quitter son corps qui s'effondre, adossée à une pierre tombale.

Le cimetière se met soudain à grouiller de « vie » dans le monde des esprits : des créatures, habillées de costumes plus ou moins haut de gamme, se moquent de leur groupe. Certains fument, boivent, d'autres portent plusieurs paires de solaires sur leur nez et chantent des chansons paillardes.

Leur visage et morphologie sont divers, quelquefois tombants dans la caricature. Aucun ne semble agressif, mais l'espièglerie brille dans leurs yeux.

Une femme reste en retrait. Elle se démarque par son attitude plus calme, une bouteille de piment à la main. Un coq ténébreux se tient près d'elle et donne l'impression de toiser le groupe.

— Oh ! C'est Maman Brigitte ! Je suis sûre ! s'exclame Max.

Dans cette ambiance festive, un nuage de fumée navigue vers eux et prend forme. Apparait alors un homme très grand. Mince et élancé, un cigare en bouche, lui aussi, porte une tenue de soirée. Sa tête est coiffée d'un haut-de-forme et des lunettes noires, dont un verre est cassé, trônent sur son nez. Son sourire, très large, découvre une dent en or.

— Mais que v'la mes chers amis ? Il hume l'air. Vous sentez ça ? C'est l'odeur puante d'un très mauvais sort !

Son haleine empeste, le rhum vieillit. Dans un geste très exagéré, il fait mine de chasser la pestilence.

— Vous êtes... qui ? Balbutie Suu en fronçant les sourcils.

L'homme ignore totalement sa question et pose ses yeux sur l'endroit où la femme avait placé le minuscule sachet donné par la prêtresse.

— Ah ! Bien joué ! Voilà une protection qui vous a évité la mort certaine, il sourit de plus belle. J'suis le Baron Samedi ! J'vous présente ma famille : les Guédés.

Le Loa fait une révérence plutôt gracile, alors que ses proches se contentent de relever leur chapeau, avant de retourner vaquer à leur petite fête. Suu hoche timidement la tête en guise de salutation, mais reste peu rassurée.

— J'ai entendu parler de vous, dit la dague, vous êtes une divinité ?

Il éclat de rire et l'ignore, c'est la seule réponse qu'elle aura et se sent vexée.

— Vous êtes bien escorté ma p'tite dame, dit-il en l'observant plus méticuleusement, une vieille aigrie, un ancien dieu dépossédé, et une enfant. Équipe de choc !

Le Baron est déroutant. La situation à l'air de beaucoup l'amuser et en même temps rien ne semble le surprendre.

— Comment je suis arrivée ici ? lui demande Suu pour éviter de perdre du temps inutile dans les présentations.

Il se redresse, prend un moment pour épousseter sa veste, boit à la bouteille de rhum que Maman Brigitte lui tend, puis répond enfin :

— Des gens peu respectueux vous ont balancé là. Ils espéraient sans doute qu'votre cadavre allait nourrir les alligators.

Suu regarde autour d'elle si jamais un énorme animal guette dans le coin. Elle a beau être confiante, mais face à un tel prédateur ses chances de survie sont nulles. Heureusement, elle est le seul être vivant dans ce cimetière.

— Surement les gros durs de cette Vahere, marmonne Suu.

— Qu'est-ce que j'entends ? Vahere ? Vahere La Sombre ?

Yenka ! [Aventure - Fantastique]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant