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Dehors, le temps se gâte. Pas une seule goutte de pluie, mais les nuages s'agglutinent au-dessus de la ville, accompagnée d'une brise humide qui manifeste parfois des rafales qui balaie les rues. Le groupe croise beaucoup de souris et de rats. Sortant de leur cachette, ils longent les murs pour disparaitre dans les ombres.

Pendant tout le trajet Suu, ignore ces détails, et imagine déjà son règlement de compte.

— Sorcière mon cul, grogne la femme dans sa marche déterminée.

— Vous devriez peut-être mieux estimer le danger que représente cette femme, suggère la dague.

— Ça reste quelqu'un sur qui je peux coller mon poing dans la figure, dit Suu en serrant les dents.

— Vous êtes vraiment naïve.

— Moi j'ai peur des sorcières : elles font toujours des trucs méchants et ont des pouvoirs magiques. Comme dans les Disney tu vois ? Y'en a qui peuvent te tuer avec des pommes !

Les deux autres objets restent muets : ils n'ont pas ce genre de référence et prit au pied de la lettre ça les impressionne.

— Les sorcières, ça n'existe... pas.

Suu se ravise soudain, comment peut-elle dire ça après tout ce qui vient de se passer. Peut-être que tout va trop vite, elle n'a pas le temps d'assimiler que les esprits, la magie et les sorcières maléfiques ça existe. Elle pensait que Matis avait surtout un pouvoir placébo sur les gens. Oh elle ne jugeait pas : ça aidait vraiment ces personnes et tant mieux ! Mais de là à dire que son mari avait des pouvoirs...

Il n'était pas le genre d'homme à étaler sa science devant les autres. Discret, toujours souriant : il aimait observer les gens, toujours prêts à les aider.

Suu sent les éclats de son cœur trembler au souvenir des traits joyeux de Matis.

Il ne sourira plus désormais.

Soudain, elle s'arrête en pleine rue et pousse un râle, mélange de rage et de chagrin. La douleur est encore trop vive. Elle se met à marcher plus vite, les dents serrées, refoulant toutes ses larmes.

— Ça doit faire mal... dit la petite lampe dans une voix qui ressemble presque à un sanglot, moi aussi j'ai perdu ma maman. Ça m'avait fait trop mal et je suis parti de la maison.

Le silence qui suit cet aveu glace Suu et les autres objets, mais il est brisé aussitôt par un cri d'alerte de la vieille, mais Suu ne voit rien.

La femme est projetée à terre, comme si une rafale l'avait soufflée d'un coup au point de lui faire perdre l'équilibre. Quelque chose dans l'air électrise ses poils et cheveux. Quelque chose lui agrippe le col de sa veste puis la tire avec force sur le béton. Suu panique et s'agite jusqu'à réussir, elle ne sait comment, à se dégager de la force invisible. Par réflexe, elle prend la dague en main prête à en faire usage.

Haletant, le cœur pulsant son sang dans tout son corps, ses yeux se pose tout autour d'elle sans rien voir.

— Mais vous êtes aveugle ma parole ! sermonne la dague.

— Portez-moi à votre cou vite ! s'exclame Lufu.

Sans attendre, Suu saisit le collier dans sa poche et l'enfile. La pierre se met alors à briller et l'environnement sombre de la ruelle devient clair comme en plein jour. Mais un jour sans couleur. Les murs, le sol, tout parait soudain spectral. Suu a l'impression d'avoir traversé un miroir dont le monde est en noir et blanc.

En face d'elle, une silhouette difforme la dévisage : une sorte de diablotin, au sourire sournois pourvue de dents aiguisées. Il a l'air aussi surpris qu'elle quand leur regard se croise.

Suu se jette sur lui comme un fauve, l'attrape et le menace avec la dague. La créature panique en voyant la lame qui brille d'une aura sanguinolente.

— C'est un esprit frappeur, pense Lufu à voix haute.

— Tuez-le. Même si cette chose ne saignera pas, à mon grand regret.

Malgré sa colère, la main de Suu hésite. Ces quelques secondes suffisent pour qu'une nuée de créatures comme celle-ci fondent dans la rue, droit sur elle... et la dépassent. Suu se retourne et voit alors son propre corps allongé dans la rue. Les fantômes l'attrapent par la veste et commencent à soulever sa carcasse inanimée.

D'abord sidérée, Suu réagit ensuite rapidement et fonce. Au diable la pitié, cette fois elle se défend en donnant des coups de couteau avec une précision effroyable. Les créatures sont surprises, comme si être blessée dans leur monde ne pouvait pas arriver : la moindre éraflure suffit à les faire paniquer et fuir. Celles qui ont eu moins de chance disparaissent dans un nuage de fumée blanche.

À bout de souffle, dans un calme qui revient comme une chape de plomb, Suu observe son propre corps. Elle respire.

— Putain ! C'est quoi ce bordel ?!

— Je n'ai pas vraiment eu le temps de vous expliquer, commence posément Lufu, mais je permets à votre esprit de sortir de votre corps : ça vous a octroyé le pouvoir d'entrer dans le monde des esprits pour voir les fantômes et vous défendre.

— Merde ! Comment je reviens à moi ?!

— Ne paniquez pas, touchez votre corps.

Avec hâte, Suu saisit le poignet et sent tout à coup un vertige lui vriller la tête. Tout devient noir, elle ne sait pas combien de temps ça durera, mais elle se redresse soudain, dans son corps, en prenant une inspiration comme si elle sortait d'une longue apnée.

Après la magie, c'est le monde des esprits que son cerveau cartésien doit assimiler. Ça commence à faire beaucoup.

— Je suis désolé pour ce choc... Lufu se sent penaud.

Suu cherche ses mots.

— Pour ma part je peux détruire les fantômes, ajoute la dague avec fierté pour capter l'attention.

— J'ai eu super peur ! Gémis la petite lampe.

Suu se relève. Sa bouche est sèche, mais elle se sent entière et bien vivante. Pourquoi ces bestioles l'ont attaqué ?

— Dites... c'est possible que ces bestioles travaillent pour une sorcière ? dit-elle en époussetant son jean.

— Oui, répond Lufu, mais j'ai plus l'impression que quelque chose cloche dans la ville depuis quelques heures... comme si les forces étaient agitées.

— Quelque chose de prépare, la vieille est pensive.

Suu reprend la marche, le quartier n'est plus très loin. Au bout de quelques minutes, ses lèvres finissent enfin par dire :

— Au fait... merci pour votre aide...

— C'est normal voyons, nous sommes dans le même bateau non ?

Un petit sourire triste se dessine aux coins des lèvres de Suu. 

 

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