𝐔𝐍.

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« Quelle journée de merde » pensa Mitsuri en passant les portes automatiques de la supérette du coin.

Chez elle, c'était la guerre froide : son petit frère passait son brevet dans une semaine et leur mère, grande stressée qu'elle était, évacuait la pression en hurlant sur tout le monde.

Bien que Mitsuri et Shin lui aient assuré une bonne centaine de fois que « Le brevet c'est de l'eau », la matriarche de la famille Kang ne semblait pas apte à écouter quelqu'un d'autre qu'elle-même. Déjà que les cris incessants de leur mère étaient difficiles à supporter pour les deux sœurs, Mitsuri n'osait imaginer toute la pression que devait ressentir Beomgyu, le benjamin, lui-même qui passait son brevet.

Surtout que le meilleur moyen qu'avait trouvé Kang Cho pour le motiver était de le comparer en permanence à ses sœurs, ce qui avait le don d'exaspérer Mitsuri. Et elle savait que même si Beomgyu faisait mine de rien, conservant son attitude je-m'en-foutiste, il n'en était pas moins blessé par les paroles de leur mère.

Mitsuri était persuadée qu'elle ne pensait pas à mal et ne souhaitait que leur bien, mais elle ne se rendait pas compte de toute la pression qu'elle mettait sur leurs épaules.

Enfin, lorsque Cho avait hurlé qu'il n'y avait plus rien à manger dans le frigo et avait manqué de faire une crise d'angoisse sur le carrelage de la cuisine, Mitsuri avait sauté sur l'occasion pour échapper à ce calvaire.

Elle avait enfilé ses baskets à toute vitesse, puis quitté leur appartement de banlieue, sous les instructions autoritaires de sa mère : « Prends du quinoa ! C'est bon pour la concentration et la mémoire ! ». Elle avait acquiescé à la cantonade avant de claquer la porte derrière elle, immédiatement plus détendue une fois libérée de l'ambiance pesante qu'instaurait la terreur Cho.

Seulement voilà, elle était à présent confrontée à un tout autre problème : le paquet de quinoa était situé au sommet du présentoir, et ce n'était pas avec son mètre cinquante-huit qu'elle allait l'attraper. Entêtée, Mitsuri se mit sur la pointe des pieds, étirant son bras du plus long qu'elle le pouvait, comme si ces maigres centimètres gagnés allaient changer quelque chose.

Elle jeta plusieurs coups d'œils autour d'elle, embêtée. Rentrer à la maison sans quinoa n'était même pas envisageable, elle serait déshéritée et reniée avant même d'avoir pu ouvrir la bouche pour s'expliquer. La supérette semblait vide, et Mitsuri n'avait pas aperçu l'habituel vendeur qui se baladait normalement entre les rayons pour aider les clients. Tant pis, elle n'allait pas attendre une éternité, et il n'y avait pas dix mille moyens d'attraper ce foutu paquet de quinoa.

Sans plus réfléchir, elle posa un pied sur le premier étage du présentoir, dépliant prudemment le genou afin de se hisser plus haut. Son petit stratagème marcha dans un premier temps, mais tomba à l'eau lorsque son pied rencontra une conserve de petits pois format familial. Mitsuri fut déséquilibrée et se sentit chuter en arrière, comme au ralenti, sans pouvoir faire quoi que ce soit pour empêcher sa chute. L'inévitable se produit et son postérieur ainsi que son dos et l'arrière de son crâne entrèrent brusquement en collision avec le sol, lui arrachant une douleur fulgurante qu'elle conserverait assurément un long moment.

Son cœur sembla se révulser dans sa poitrine et son crâne donnait l'impression d'être sur le point d'exploser, tandis que son coccyx la tiraillait horriblement.

Elle s'empêcha difficilement d'exprimer sa souffrance à haute voix, histoire de ne pas attirer de témoins à sa chute magistralement humiliante.

Après s'être redressée en position assise, quelques minutes plus tard, pas encore remise de ses émotions, Mitsuri poussa un léger grognement en lorgnant sur le paquet de quinoa, si inaccessible, perché en haut de son promontoire métallique. Et c'est là qu'elle entendit un rire étouffé, sur sa droite.

𝐇𝐎𝐋𝐃 𝐎𝐍 | 𝙺𝙸𝙼 𝚂𝙴𝚄𝙽𝙶𝙼𝙸𝙽Where stories live. Discover now