Chapitre 22 :

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Cela faisait quatre heures que Laëticia se trouvait sur Piekrah. Seule. Avec une précaution extrême quant à sa sécurité, elle avait cartographié l'île et avait identifié les points phares des rares cartes qu'elle avait trouvé. Bien qu'apeurée par un danger omniprésent, elle décida de s'accorder une petite pause dans un coin paraissant désert. Le soleil n'était pas encore à son zénith mais elle sentait ses rayons la frapper de plein fouet et la chaleur approcher. Ses vêtements noirs n'aidaient pas vraiment l'affaire mais elle ne pouvait prendre le risque d'en retirer quelques couches : sa peau blanchâtre serait visible de loin sur cette île de rochers noirs.

Elle ne put néanmoins s'empêcher de boire de grandes lampées d'eau. De plus, même si il était encore tôt, son ventre gargouillait après tant d'efforts, aussi avala-t-elle la première partie de son casse-croûte. Profitant du calme du petit espace qu'elle avait déniché, elle se pencha un instant sur ses cartes afin de les mémoriser davantage.

Elle avait déambulé sur des bancs de sables noirs, qui cernaient pratiquement toute l'île. Elle avait escaladé quelques rochers noirâtres afin de se rapprocher du centre. Vers l'Est, non loin de là où elle avait débarqué, elle avait aperçu un nid empli de bébés pululs, petites créatures aux poils bleus claudiquant sur une unique patte argentée. Elle avait ensuite évité de peu des petites coulées de lave provenant de volcans raisonnablement petits vers le Nord de l'île.

Elle ne s'était cependant guère approchée de l'Ouest où elle savait les Kipeurs installés. Il s'agissait d'une espèce totalement prédatrice et sans doute la plus cruelle de toutes. Son histoire ressemblait davantage à un mythe qu'à la réalité puisque nul n'avait jamais pu en faire de descriptions précises, la plupart des explorateurs ayant disparus sans laisser de trace. Les rares représentations existantes se contredisaient les unes et les autres, mettant en doute l'authenticité des témoignages. La jeune Guéhériste avait seulement entendu leurs puissants cris et un long frisson avait parcouru son échine. Elle espérait de tout cœur que son artefact chéri ne se trouvait pas sur leur territoire.

Néanmoins, elle pensait savoir qui l'avait dérobée, sa clé. Dans une vision qu'elle n'avait conté à personne, elle avait vu une écaille rouge près du coffret sensé abrité la Clé de Gué. Une écaille de dragon.

Même si cette espèce était à première vue beaucoup moins dangereuse que les Kipeurs, elle n'en restait pas moins effrayante à juste titre. Mais comme elle l'avait tant répété, ce jour là, elle allait se « contenter d'observer ». Elle ne risquait pas grand chose normalement.

Déterminée malgré son cœur qui battait la chamade, elle remballa ses affaires, but une dernière gorgée d'eau et se leva. Puis, elle prit la direction du Sud.


À mesure qu'elle approchait de sa destination, elle entendit de grandes bourrasques de vent qu'elle devina provenir de leurs immenses ailes et sentit l'air se réchauffer de manière fulgurante. Elle savait qu'elle était dans la bonne direction mais n'avait aucune idée de la distance qu'il lui restait à parcourir. Elle avait l'impression que cela faisait des heures qu'elle marchait avec le soleil au-dessus de son crâne mais le paysage ne semblait pas évoluer. Le sol était sec et craquelé et sa couleur noire attirait la chaleur. L'adolescente ne parvenait à savoir s'il s'agissait de rochers noirs ou bien de terre totalement brûlée. La végétation était inexistante et le décor morbide se suffisait à différents monticules dont les couleurs oscillaient entre un rouge orangé et l'habituel noir, tout en passant par un marron foncé.

Alors qu'elle passait à quelques mètres d'une grotte et qu'elle se tordait le cou pour essayer d'apercevoir l'intérieur, une immense silhouette en sortit, effrayant Laëticia qui sursauta. Elle se précipita derrière un rocher non loin, seule source de cachette avoisinante, et observa l'immense serpent ailé s'envoler vers le ciel. D'un jaune vif, ses écailles reluisaient sous le soleil brûlant et sa queue fourchue semblait vouloir transpercer l'air. Une fine ligne d'ailerons pointus couraient de l'extrémité de cette dernière jusqu'au sommet de son crâne, longeant l'entièreté de sa colonne vertébrale. Si il n'était guère menaçant puisque vaquant à ses occupations, il n'en demeurait pas moins impressionnant.

Une fois que la menace – le dragon – se fut éloignée et que son cœur paraissait avoir retrouvé son rythme habituel, la jeune fille décida de poursuivre son chemin. Ce fut cependant avec davantage de précautions qu'elle se déplaçait, bien qu'elle ne croisa pas d'autres dragons dans les minutes qui suivirent. Elle remarqua quelques grottes qu'elle supposa habitées mais nulle trace de civilisations. Ce fut alors qu'un léger bruit attira son attention. Elle s'en approcha avant de constater qu'il provenait d'un large ravin semblant couper la terre en deux. Discrètement, elle s'y pencha et ce qu'elle vit la stupéfia.

Sous ses yeux s'étalait une mosaïque multicolore dont chaque pièce était un mythique serpent ailé. Les enfants, bien plus petits en taille, demeuraient d'une taille impressionnante d'après Laëticia. Ils couraient et sautaient partout mais ne semblaient pas savoir voler car ils ne décollaient que très peu du sol. Les adultes en revanche se déplaçaient par de grands battements d'ailes. La plupart d'entre eux s'occupaient des bambins, paraissant faire leur éducation en leur montrant quelques tours de vol et de chasse. Cependant, quelques uns étaient rassemblés un peu à l'écart des pitreries des plus jeunes. Calmement, ils semblaient se prélasser sans se préoccuper de rien. La jeune fille comprit, grâce à ses lectures, qu'il s'agissait des dracènes, les femelles du groupe. Beaucoup moins nombreuses, elles laissaient l'éducation de leurs petits à la charge des mâles et se contentaient de régir leur peuple et leur mode de vie. Certaines devaient d'ailleurs probablement veiller sur leur communauté, et l'adolescente songea qu'elle ferait mieux de s'éloigner ou de trouver une meilleur cachette, avant de se faire rôtir vulgairement.

Elle s'éloigna donc à regret de son observatoire tout en regardant autour d'elle. Après quelques pas, une odeur âcre vint lui titiller les narines et elle plissa son charmant visage, à moitié pour se préserver de ce relent pénétrant ; et à moitié pour apercevoir d'où il provenait. Elle aperçut une large flaque d'argile beige et une idée germa dans son esprit.

Laëticia avait lu que les dragons utilisaient régulièrement leur flair, notamment pour chasser, mais suffisamment peu pour qu'ils puissent être trompés. Préférant ne pas se faire découvrir par l'une de ces bêtes cornues, la jeune fille avait enfin trouvé comment ruser. Elle enduisit donc ses vêtements ainsi que son visage de cette espèce d'argile odorante et s'assura d'en être bien recouverte avant de sortir de sa cachette. Elle poursuivit son chemin en procédant de la même manière mais fut soudain arrêtée par une sensation assez étrange. Quelque chose lui prenait les tripes. C'était léger au début, bien que prenant une part importante, mais amplifia bien vite. À chacun de ses pas, elle sentait une pression imaginaire appuyant sur son estomac et pressant ses poumons. Lorsqu'elle s'arrêtait, la sensation montait jusqu'à son crâne, tourbillonnant dans son cerveau et saisissant chacun de ses membres. Plus elle avançait et plus cela la préoccupait. En quelques minutes à peine, la sensation devint si forte que son crâne bourdonnait et qu'elle en voyait flou. Commençant à prendre peur, elle prit quelques secondes cachée derrière un rocher à se masser les tempes et à contrôler sa respiration. Cependant, il n'y avait aucune explication rationnelle à ce qui lui arrivait. Elle songea à la peur, mais cela lui paraissait trop soudain et incontrôlé pour en être. Peut-être était-ce la Clé de Gué qui l'appelait, et alors cela signifiait qu'elle était sur la bonne piste. Mais comment en être sûre ?

Elle reprit bien vite son chemin ; s'arrêter lui était plus que désagréable, lui bouchait les oreilles et emplissait sa tête de coton. Elle tenta de marcher comme si rien ne lui arrivait mais fut contrainte de ralentir un petit peu le rythme pour sa propre sécurité. Elle se dit intérieurement qu'elle finirait par s'habituer à cette désagréable sensation et que si elle voyait juste, elle saurait où se trouvait la Clé de Gué.

Mais tout à coup, juste entre deux cachettes, elle tomba dans les pommes. 

***

Hola hola, me voilà de retour après une très longue absence. Ce chapitre est un peu mou et j'ai eu beaucoup de mal à l'écrire. Mais je pense (enfin !) pouvoir reprendre un rythme plus régulier (qui ne sera pas un chapitre par semaine, du moins pour le moment ; je n'en suis pas encore capable). Je fais au mieux, pour vous comme pour moi. Merci pour votre soutien, vos lectures/votes/commentaires. 

A très bientôt, 🥰😘⭐

Ylli_

Octo/ tome 3Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz