IV - Léa

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Je fonce au garde manger sélectionner les produits que j'utiliserais. Je vais partir sur des mignardises aux fruits. Je vais sans doute utiliser trois fruits communs comme la framboise, la myrtille et la fraise puis élaborer l'autre moitié avec des fruits à coques. Peut être des amandes, les pistaches et des noisettes. J'ai les idées qui partent en vrac et j'ai un peu moins de 3 heures pour les aligner sur un plateau.

J'étais déjà bien avancée dans mes préparations lorsque le chef Hadriel surgit derrière moi. Il jette un œil sur mes préparations, les goûte puis se met sans doute à réfléchir sur la façon dont je vais mélanger ces différentes saveurs. Mon corps s'emballe et mes mains se mettent à trembler. Une réaction normale bien qu'excessive puisque je me retrouve à proximité de mon patron.

Je me retourne et lui fais un petit signe de la tête, pour le saluer. Ses yeux cristallins, légèrement plissés, se posent d'abord sur mon visage, puis sur mes provisions, avant de remonter. Je reste plantée là, face à lui, à me faire reluquer comme la reine des potiches. Plusieurs réflexions me viennent à l'esprit. Alors je l'observe en silence, moi aussi, en me disant qu'il est d'une beauté irréelle, d'une virilité insolente, mais que ce qui importe vraiment est cette chance qu'il m'accorde de pouvoir faire partie de sa brigade. Cachées derrière les mâchoires carrées, les muscles saillants et les traits parfaits, les réflexions du chef Green restent bien au fond de son cerveau.

Il a beau être d'une simplicité désarmante, cela ne l'empêche pas d'être condescendant et arrogant lorsqu'il s'agit de son hôtel et de la manière dont il le gère. J'ignore si ce jeu de regards dure de longues secondes ou de courtes minutes, mais le chef bodybuildé finit par sourire en coin et par lâcher :

  – Je les attends de pied ferme, ces bouchées. Étonnez-moi Wonkette.

  – Pardon ? m'outré-je de ce surnom moqueur, j'en suis sûre.

  – Le Bakers, un célèbre magazine réservé à la gastronomie des hôtels de luxe vous a surnommé ainsi suite au succès fou de votre sablé chocolat, s'amuse-t-il en croisant les bras sur son torse. Vous manipulez extrêmement bien le chocolat.

  – Merci du compliment, je répond en ramenant mes mains à mes hanches étonnamment surprise d'autant de gentillesse de sa part.

  – Au boulot, Wonkette ! Je ne vous paie pas à ne rien faire !

  Je disais quoi tout à l'heure par rapport à sa condescendance et son arrogance? Comment est-ce que cet homme peut susciter autant d'émoi  chez les femmes ? Je me le demande bien. En fin de journée, les serveuses et les femmes de ménage ne tarissent pas d'éloge à son égard. Elles ne s'arrêtent qu'à son physique on dirait. Même les clientes du restaurant sont bouche bées quand il sort de ses cuisines pour vérifier si tout va bien en salle. Je m'égare presque dans mes pensées en oubliant que Paul s'active de l'autre côté sur sa table.

Environ trois heures plus tard, mon adversaire et moi présentons nos créations aux deux patrons avant de décamper rapidement pour les laisser déguster. Satisfaite de mon travail, je vais m'asseoir en salle de repos en essayant de me détendre. Paul, lui, ne l'entend pas ainsi. Il débarque au bout de quelques minutes, se poste face à moi, retire son tablier et me le balance à la figure :

  – Tiens, Reed. Quand je serai riche et célèbre dans le monde entier, tu pourras peut-être te faire un peu de fric en le revendant.

  – C'est désastreux ... sifflé-je, agacée par cette nouvelle provocation.

  – Fais-toi une raison, petite fille, se marre-t-il. Tu ne m'arriveras jamais à la cheville. Tu n'es qu'un joli minois qui sait se servir d'une spatule, pas de quoi fouetter un chat. Profite de ton instant de gloire, tu es au pic de ta carrière !

The fear of loveWhere stories live. Discover now