Chapitre 4

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      Tout allait bien dans ma vie. Je venais d'avoir 14 ans et d'entrer en troisième, j'avais des amis, j'étais entourée de personnes gentilles. J'excellais scolairement, je m'ouvrais de plus en plus aux autres, j'étais moins timide. J'avais beau sentir un écart se creuser entre Isabelle et moi, je ne m'inquiétais pas.

      Avec le temps, nous avions commencé à moins nous ressembler, mais c'était normal. Nos centres d'intérêt n'étaient plus les mêmes, elle s'était fait de nouveaux amis qui lui ressemblaient plus. Et même si je n'ai jamais été très proche d'eux, sauf d'un qui était relativement sympa, ce n'était pas grave. Victor était comme moi, nous étions deux. Le simple fait de ne pas être seule représentait beaucoup pour moi.

      Depuis quelques temps, nous nous rapprochions des gens de notre classe. Ils étaient gentils et nous acceptaient. J'avais conscience que, malgré mes progrès à ce niveau, je n'étais toujours pas capable de faire le premier pas, d'aller leur parler directement, mais Victor le pouvait. Il était fort pour deux sans le savoir. Je faisais à l'époque des cauchemars dans lesquels les personnes qui se montraient gentils avec moi dans la vie réelle me frappaient, m'insultaient, parfois, me tuaient. Mais dans ces cauchemars, Victor était avec moi. Alors quand nous nous sommes disputés, tout mon monde s'est, à nouveau, écroulé.

      Cela aurait pu être une simple dispute, nous nous serions ensuite pardonnés et aurions reconnu nos torts, tout serait redevenu comme avant. Mais non.

      Au fur et à mesure, Victor avait commencé à aller parler aux autres seul. Il s'éloignait de moi, comme si je le gênais. Alors, je me suis énervée. J'ai conscience qu'à ce moment là, il avait raison. C'était de ma faute si je n'étais pas capable de parler à des personnes qui voulaient être amis avec moi. Il n'avait pas à être courageux à ma place. J'étais juste jalouse, parce qu'il y arrivait, et pas moi.

      Nous nous sommes criés dessus. Parfois violemment, parfois plus froidement. Nous nous sommes jetés à la figure tout ce que nous pensions négativement l'un de l'autre. C'est toujours plus simple d'insulter que de faire un compliment.

      Pendant des mois, nous sommes restés coincés dans une amitié floue. Nous étions à côté en cours, nous nous parlions comme d'habitude, mais nous nous éloignions. Dès que l'un faisait un pas de travers, l'autre s'emportait. Au bout d'un moment, je me suis rendue compte que si la situation continuait à empirer, notre amitié en serait détruite. Et je ne le supportais pas.

      Alors, du mieux que j'ai pu, j'ai essayé de la sauver. Je me suis excusée sur certains points. Mais c'était trop tard. Deux "camps" avaient fini par se former. D'un côté, moi, soutenue par les gens de notre classe, qui, faute du contraire, avaient fini par venir vers moi. De l'autre, Victor, et tous nos amis, ceux avec qui nous passions, avant, la majorité de notre temps, ceux avec qui Isabelle s'entendait bien. Quant à cette dernière, elle affirmait rester neutre. Lorsque ses amis m'insultaient, elle trouvait toujours le moyen de s'absenter. 

      Je mangeais seule, au début. Je lisais par terre, dans un coin de la cour. Puis des filles de ma classe m'invitèrent à manger avec elles. C'était gentil. Elles l'étaient, le sont encore. Au final, j'ai "gagné" la guerre qui avait pris place. Je me suis fait accepter. Mais à quel prix ?

Où est la notice pour être heureuse ?Where stories live. Discover now