Chapitre 33 : Joyeux anniversaire

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Emy était face aux baies vitrées de son appartement. Seulement une dizaine de minutes la séparait de ses 23 ans. Le temps passe à une vitesse fulgurante. Elle avait l'impression d'avoir encore 18 ans la semaine dernière et de fêter ses 20 printemps hier. Pire, elle avait des regrets. Elle s'était toujours interdit d'éprouver le moindre regret. Des remords, oui, mais pas question d'aller plus loin. Elle observait Saint-Georges la narguer avec sa robe bleue et dorée que lui offrait la lumière. La Chalmette semblait calme. Elle ressemblait plus à un étrange lac qu'à un fleuve tant la surface de l'eau s'apparentait à une nappe d'huile. Comment le monde pouvait-il être si paisible alors que son corps était en ébullition ? Le contraste était tranchant. Elle sentait des milliers de fourmis gravir ses mains tandis que d'autres lui donnaient de l'impatience dans les jambes. Elle n'arrivait pas à rester en place. Elle faisait les cent pas en observant l'heure toutes les quarante secondes. 23 h 57. Tout lui semblait dingue. Cette histoire ne tenait pas debout, pourtant elle se surprit à y croire. Elle voulait que ce soit vrai. Qu'elle se réveille à minuit pétante avec la tête pleine de souvenirs de cette femme qui hantait sa vie. C'était inenvisageable. Emy tenta de se résonner. Elle essayait de se préparer à l'inévitable pour échapper à la déception. De toute façon, comment cela pourrait être possible ? Si le cinéma existait encore à Bâton-Rouge, cela aurait sans doute fait un bon scénario de film, mais malheureusement nous sommes dans la vraie vie. L'hypothèse la plus plausible était qu'elle était tombée amoureuse d'une sociopathe. 23 h 59. Son pouls s'accélérait comme si elle venait de courir un marathon ou si elle avait vu un fantôme. L'appréhension était telle qu'elle fixait l'horloge numérique accrochée au mur jouxtant les baies vitrées de son appartement. Elle serrait les poings si fort qu'elle allait avoir les empreintes de ses ongles dans ses paumes dès qu'elle se relâcherait. 00 h 00. Emy cessa de respirer. Aucun bruit ne vint perturber ce moment. Pas un seul bip, pas de cris, pas de sonnerie ni d'éventuel craquement. Elle s'était attendue à mille scénarios. Elle pensait revoir le film de ses vies antérieures en accéléré, sentir une douleur intense dans la poitrine ou encore avoir le souffle coupé par les révélations qui s'invitaient dans son esprit. Aucun de ses canevas ne se produisit. 00 h 01. Rien. Elle s'était pourtant préparée, la douleur était malgré tout immense. Elle leva la tête vers les monolithes de béton de Saint-Georges et expira longuement. Ses yeux lui brûlaient à cause des larmes qui semblaient persister sur ses rétines. Elle ferma les paupières une seconde pour les forcer à couler. Andréa était folle. Elle n'avait plus d'autre explication. Elle lui avait brisé le cœur et l'avait poussé à croire à l'impossible. Emy secoua la tête en grimaçant. Comment pouvait-on être si cruel ? Son téléphone la sortit de ses songes. Il ne cessa de sonner et vibrer. Des dizaines de messages affluaient jusqu'à en saturer son portable.

— Joyeux anniversaire moi, murmura-t-elle en effaçant les stigmates de sa tristesse.

Elle ne put s'empêcher de penser à son père une minute. Elle renifla puis s'éloignades baies vitrées. Elle prit son trousseau de clés, enfila son bombers et son bonnet puis s'échappa de son appartement en laissant son téléphone derrière elle. 

Elle est faite de la même matière que les rêvesWhere stories live. Discover now