Le cerveau de Jo fonctionnait au ralenti, complètement embrumé par le rêve sulfureux que Babar avait interrompu. Elle ne comprenait pas ce qui se passait. Jamais elle n'avait fait de rêve érotique jusqu'à présent, aussi étonnant que cela puisse paraître. Elle faisait partie de ces femmes cérébrales pour qui les plaisirs de la chair passe d'abord par l'intellect. Les « coups de foudre », l'amour des romans et des films, elle savait très bien le jouer, mais pas le vivre. Les sensations nées de ce rêve étaient en réalité nouvelles... Elle n'était pourtant plus vierge, elle avait eu des partenaires sexuels – puisqu'il faut dire les choses –, elle avait pris du plaisir mais... rien de comparable. Rien d'aussi « physique », « viscéral », excitant... Rien qui la déstabilise autant.
Elle se ressaisit rapidement : certes, elle n'était pas en retard, mais elle n'avait pas non plus réglé son réveil assez en avance pour avoir le temps d'imprévus. Elle se dirigea vers son dressing afin d'y saisir les vêtements préparés rapidement la veille, mais en se rendant dans sa salle de bain pour se préparer, elle se rendit compte que les sous-vêtements propres enfilés avant de se coucher étaient déjà à mettre au sale. Mais comment ce rêve avait-il pu lui faire tant d'effets ? Elle se répéta cette question quand elle s'aperçut que le frottement de son jean la titillait encore un peu en partant de chez elle. Pas très cérébral tout ça...
Elle se faufila dans la voiture qui l'attendait juste devant sa porte et n'eut même pas à indiquer au chauffeur l'endroit où elle se rendait. Heureusement, car elle se concentrait à présent pour recentrer son esprit, et le retrouver petit à petit. Il lui fallut tout le trajet pour cela, mais lorsque la portière s'ouvrit à nouveau pour la laisser sortir, elle était enfin redevenue elle-même. Elle remercia le chauffeur, et se tourna en direction de l'immeuble devant lequel elle venait d'être déposée.
Le bâtiment était impersonnel, comme toutes les constructions modernes. Murs gris, baies vitrées, grandes fenêtres, la description pourrait correspondre à la totalité des immeubles du coin. La porte, vitrée elle aussi, était coulissante et automatique, s'ouvrant sur un grand hall d'un marbre gris clair bas de gamme. Le mur de droite reprenait la totalité des plaques affichées à l'extérieur et plus encore, listant toutes les entreprises et les cadres présents sur les 18 étages. Outre l'agence d'artistes qui occupait à elle seule les deux derniers étages, on trouvait une maison d'édition, un espace de coworking, une agence de publicité – qui convoitait l'espace de l'agence de Johanne –, une agence de statistiques... Une véritable fourmilière.
Jo tourna machinalement la tête vers l'agent d'accueil pour lui adresser un sourire chaleureux et un « Hello Jane ! » empli de franche sympathie. La jeune femme, au sourire impeccable, arborait toujours un regard malicieux et joyeux derrière ses lunette rondes, aux montures fines et dorées qui tranchaient avec le noir de ses cheveux.
« Hello Miss Jones » lui répondit-elle, en lui ouvrant le tourniquet devant elle. Mister Scapelli is waiting for you »
Déjà ?! s'étonna Jo, en jetant un rapide coup d'œil à sa montre. Elle n'était pourtant pas en retard, et avait même 10 bonnes minutes d'avance.
« Thanks Jane ! dit-elle en passant le tourniquet
- You're welcome, entendit-elle, alors qu'elle se dirigeait vers l'ascenseur le plus proche, ignorant les regards de deux jeunes gens qui attendaient devant les portes. Probablement des nouveaux pour ne pas encore être habitués à voir défiler toute la brochette d'acteurs et d'actrices qui passaient par ici, ce qui fit sourire imperceptiblement Jo. Sa notoriété l'étonnait et l'amusait quand elle se limitait à des regards curieux qui se voulaient discrets, mais qui l'étaient tout autant qu'un punk gothique dans une classe de ballerines. Lorsque le « ding » de l'ascenseur retentit et que les portes s'ouvrirent, elle leur fit signe de passer devant, mais aucun d'eux ne bougea, paralysés comme des lapins devant les phares d'une voiture. Elle finit par se faufiler, et leur adressa un geste de la main quand les portes se refermèrent, laissant les deux lapereaux éberlués au rez-de-chaussée.
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DilEmma
RomanceQuand la fidélité envers l'autre se heurte à la fidélité envers soi-même... Emma, jeune écrivain, voit son dernier roman se faire adapter au cinéma. Au moment du casting pour trouver les comédiennes incarnant ses héroïnes, elle dépanne l'équipe et s...