Les journées se succédèrent sur un rythme effréné que n'avait pas soupçonné Emma, débutant aux alentours de 5h ou 6h pour finir à point d'heures, quand il n'y avait pas tout bonnement de tournage nocturne. Tout ça pour finalement passer un temps fou assise sur une chaise inconfortable entre deux prises... Ce temps lui permettait de rester un peu avec Johanne, mais elles avaient aussi de nombreuses scènes séparées et n'étaient donc pas forcément toujours ensemble. Cela la soulageait d'un côté, mais l'attristait aussi de l'autre. Elle finissait surtout avec les personnes du maquillages qui ne quittaient pas l'équipe d'une semelle afin de parfaire les raccords entre les prises. Elle avait aussi très vite appris à faire attention à son micro et à prendre le réflexe de le couper dès qu'elle quittait sa scène : en effet, elle l'avait oublié alors qu'elle allait aux toilettes, et l'équipe du son avait pu profiter d'un bruitage plutôt gênant... Cela avait été un bonne leçon, très efficace !
Elle avait également réussi à appeler Julie, un soir dans sa caravane puisque les téléphones étaient prohibés sur le tournage. La séparation avec Julia s'était relativement bien passée. Julie lui avait expliqué au dessert qu'elle ne prendrait pas le même vol qu'elle. L'artiste lui avait demandé si elle pensait rentrer le lendemain pour accompagner Emma à l'aéroport, et Julie lui avait alors expliqué qu'elle repartirait bien de Londres ce jour-là, mais pour rentrer en France. La jeune russe avait ouvert de grands yeux et interrogé sa petite amie : voulait-elle profiter de cette parenthèse européenne pour aller voir sa famille ? Julie avait alors indiqué que son retour en France serait définitif, et qu'elle ne regagnerait pas leur appartement de Los Angeles. Qu'elle avait apprécié leur relation, mais qu'elles n'avaient pas la même conception du couple, ni les mêmes attentes. Qu'elle serait heureuse si elle pouvait rester amies. Tout cela sans amertume. Julia avait paru sincèrement déçue de cette décision, mais la respectait néanmoins.
Rapidement, malgré la fatigue et l'heure tardive des fins de journées, Emma et Johanne avaient instauré un petit rituel entre elles : elles se retrouvaient toujours avant de se coucher, généralement dans la caravane de Jo plus spacieuse, pour étudier la ou les scènes qu'elles avaient ensemble le lendemain. Ou même leurs scènes séparées. Parfois, la soirée dérapait en longues conversations, plus ou moins profondes... Les choses s'installaient et s'ancraient entre elle sans même qu'elles y fassent attention. Leurs cœurs battaient plus fort en présence de l'autre, et chacune se plaisait à le sentir ainsi vivant et vivace dans sa poitrine. Machinalement, sans vraiment y penser, les corps avaient eux aussi tendance à s'accrocher l'un à l'autre : un effleurement en attrapant une tasse, des places très proches sur le canapé, les bises pour se souhaiter bonne nuit, les odeurs de parfum qui se logent dans les narines pour y être conservées le plus longtemps possible... Tout cela s'était installé lentement mais sûrement entre elles, s'était presque immiscé, avec douceur et tendresse. Le naturel de leurs échanges devant la caméra ne faisait que refléter cette complicité qui sautait aux yeux de tout le monde...
Pourtant, une fois dans l'ombre de leur solitude, chacune dans son lit à quelques mètres à peine de l'autre, la douleur revenait, de plus en plus intense. Les larmes coulaient souvent sur les joues d'Emma quand elle était à l'abri des regards de Jo qu'elle chérissait tant et qu'elle cherchait toute la journée. Elle avait vainement espéré que le quotidien aurait tamisé ses sentiments, qu'elle aurait découvert des défauts insurmontables chez sa partenaire, des traits de caractère insoupçonnés... Mais ce fut le contraire. Elle cherchait la moindre excuse de contact, le moindre regard, le moindre mot de sa part. Et à chaque fois, la décharge qu'elle ressentait s'intensifiait pour gagner tout son corps. Chaque fois, son cœur manquait un battement, son souffle se coupait. Elle parvenait tant bien que mal à canaliser ses sentiments dans son personnage, qui lui permettait de laisser sortir l'amour qu'elle éprouvait et qui l'éprouvait, mais celui-ci grandissait sans cesse. Il devenait trop lourd à porter, elle le sentait. Elle avait peur, certains soirs, de ne plus parvenir à le cacher.
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DilEmma
RomanceQuand la fidélité envers l'autre se heurte à la fidélité envers soi-même... Emma, jeune écrivain, voit son dernier roman se faire adapter au cinéma. Au moment du casting pour trouver les comédiennes incarnant ses héroïnes, elle dépanne l'équipe et s...