Chapitre 7

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Dans les champs, on labourait encore dans la douceur du soir déclinant. Les paysans murmuraient des prières pour remercier Celui qui Etait : cette année, les récoltes seraient bonnes. La Dame Blanche allait donner naissance à un héritier. Tout était parfait dans le Royaume.

Des sabots martelant la terre firent lever les yeux au groupe de cultivateurs qui se trouvait là. Des sourires égayèrent les visages en reconnaissant les soldats en livrée de prestige.

— Longue vie au prince Florian ! cria la populace en brandissant chapeau et châles.

Du haut de son destrier, le souverain les remercia d'une main gantée d'ivoire. Il savait que ce geste banal contentait les plus simples et lui assurait la fidélité du peuple. Ceci lui apportait un peu de paix, car son humeur s'assombrissait au fur et à mesure que se dessinaient les contours du château. Certes, il était heureux de rentrer chez lui, mais la perspective de retrouver son épouse le minait.

Avec un pincement au cœur, il songea à leur première année de mariage, à leur bonheur sans nuage. Puis, Blanche avait perdu le bébé. Dès lors, leur couple était devenu un navire sans capitaine. Il avait essayé de l'aider, mais cette dernière s'était murée dans sa peine. De son point de vue, il était beaucoup trop jeune pour se sentir veuf.

— Monseigneur, nous arrivons.

Florian sursauta, s'obligea à se composer une mine aimable. Il ignorait de quelle humeur était son épouse : si, d'aventure, elle se murait encore dans sa peine, il l'abandonnerait aux soins de ses chambrières. La fatigue de sa longue chevauchée l'avait rendu las, il n'avait pas la moindre envie de gérer une crise conjugale.

Ce fut avec un soulagement non feint qu'il entendit les fers de sa monture claquer sur le dallage de la cour. Sitôt reconnu, un palefrenier prit en charge l'étalon du monarque et le souverain gagna la fraîcheur du hall d'entrée du château.

Avec un sourire affable, il remercia la jeune domestique aux joues roses qui lui proposa de l'eau parfumée pour se laver les mains. Puis, il interpella le majordome venu lui présenter ses respects.

— Nous sommes heureux de vous retrouver en bonne santé, Monseigneur.

— Comme il est toujours plaisant de rentrer chez soi après une longue absence. D'ailleurs, où se trouve mon épouse ?

— Dans ses appartements, Monseigneur. La dame souhaite prendre du repos.

Florian fronça les sourcils : se pouvait-il qu'en plus, elle devienne fainéante ? Ses poings se crispèrent : cet état était indigne d'une princesse. Si l'on ajoutait à cela qu'elle se dérobait au devoir conjugal, il devenait de plus en plus évident qu'il se devait de la répudier. Au sein du palais, personne ne lui en voudrait ; le peuple, lui, comprendrait.

Toutefois, la chose devait respecter un certain protocole, et il n'était pas un monstre : sa femme n'avait plus de famille. Il fallait tout d'abord lui trouver un lopin de terre et des gens qui prendraient soin d'elle.

Avec un rictus mauvais, le souverain avisa une vaste chaumière perdue à la campagne cernée par un immense jardin. Oui, nettoyer, balayer, elle savait faire, mieux que des enfants apparemment. Cela l'occuperait. Mais, pour le moment, Blanche demeurait son épouse, il se devait de monter la saluer et s'enquérir de sa santé.

Tandis qu'il avançait dans les couloirs en direction de leur chambre, il songea avec délice à la missive qui se dissimulait à l'intérieur de son plastron. Elle lui avait été envoyée par le roi Pharyns, un vieil ami de son défunt père. Le brave homme perdait par fois l'esprit et, cette fois-ci, tout portait à croire qu'il avait oublié que Florian était marié.

Il lui faisait donc l'éloge de son aînée, la princesse Onnayä. Il avait joint à la lettre un portrait qui dépeignait une fleur délicate dans sa prime jeunesse. Imaginer ce corps doux et innocent sous lui réveilla en lui des appétits trop peu souvent rassasiés.

Dès lors que sa femme se noierait une fois de plus dans sa tristesse, il demanderait audience au monarque. Séduire cette donzelle ne devrait pas se révéler trop compliqué.

***

Blanche épongea son front sur un pan de tissu devenu crasseux. Elle était exténuée, mais pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait heureuse.

Motivée par son projet secret, la princesse avait utilisé ses dons avec une aisance grandissante. De ce fait, la caverne était de nouveau propre, le petit mobilier en état. La découverte du Codex lui avait simplifié la tâche. Dès lors qu'elle avait correctement prononcé les mots de pouvoir, elle avait allumé une bonne flambée dans l'ancien âtre. Cependant, pratiquer la magie avait un prix : l'épuisement.

Agenouillée près des flammes, elle se maudissait d'en avoir fait autant. Pour l'heure, la princesse ignorait si elle serait capable de remonter à la surface. Une faim dévorante la tenaillait au point qu'elle s'imaginait descendre dans le cours d'eau glacé dans l'espoir d'y surprendre une collation, aussi maigre fût-elle.

Un couinement attira son attention : à une faible distance, deux rongeurs semblables à de gros rats furetaient. Blanche eut honte de son estomac qui gargouillait à la vue des animaux. Mais son appétit féroce exigeait d'être satisfait.

La princesse puisa dans ce qui lui restait de force et de pouvoir pour préparer son sort, consciente qu'elle était normalement trop novice pour pratiquer ce type de magie. A sa grande surprise, la chose ne prit qu'une seconde, et il n'en fallut pas plus pour que la jeune femme embroche sur une pique de fortune les pauvres bêtes sont elle dévora la chair jusqu'à l'os.

Ce maigre encas et le fait d'éteindre le brasier qui ronflait dans l'âtre la revigorèrent assez pour lui permettre de remonter jusqu'au palais. Quand la porte se referma sur le passage secret, elle était de nouveau exténuée. Il lui fallait regagner ses appartements au plus vite.

Tandis qu'elle se dirigeait vers sa chambre, elle prit conscience de sa tenue crottée. Une angoisse la saisit : comment justifierait-elle son état alors que tous pensaient qu'elle était restée au lit toute la journée ?

Blanche haussa les épaules : elle se trouvait ridicule. Plus personne, dans ce château qui était pourtant le sien, ne se souciait plus de ses faits et gestes. Il y avait fort peu à parier qu'on ait remarqué son absence. La jeune femme sourit en apercevant la porte de sa chambre quand une voix la stoppa :

— Blanche, par le ciel, que t'est-il arrivé ?

***

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J'espère que vous serez nombreux/nombreuses à vous lancer dans la lecture de ma nouvelle histoire.


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