Vampire Consultant 3

4 - Heaven is a place on Earth

Sophie Colibri, Royaume de Jamshid

Elle n'avait pas attendu longtemps : lorsque l'humaine avait reconnu la chambre à demi-ouverte sur une forêt tropicale, elle avait compris. Elle était de retour dans l'antre du dragon.

La jeune femme attendit quelques instants, assise adossée à la tête du grand lit où elle s'était réveillée. De quoi se souvenait-elle ? Avait-elle été blessée lors de la bataille qui l'avait opposée aux orphiques ? Qui avait été tué ? James Lindsay, songea-t-elle en sentant des larmes lui monter aux yeux. Il était assurément mort. Gideon. Lui aussi, à défaut d'avoir péri, elle s'était assurée d'avoir suffisamment réduit son corps en pièces pour qu'il ne puisse plus jamais faire de mal à qui que ce soit. Est-ce que Akane avait survécu ? Elle n'était plus qu'une humaine et Sophie, usant d'une force aussi terrible qu'elle lui avait semblé naturelle, en entendant la Japonaise crier de terreur et d'angoisse à l'étage, avait exercé une traction sur le lit où la malade se trouvait. Le lit en question avait traversé deux planchers avant de s'écraser au sol et Akane en avait été tirée avec célérité par Ludmila. Elle avait pu être blessée, car les pieds du lit avaient volé en éclats, l'un d'eux blessant Tahir au passage.

— Bonsoir, Sophie.

L'étrange créature à forme humaine venait d'apparaître sur le balcon. Toujours vêtu d'un yukata blanc et le cou cerclé d'un large anneau doré, l'homme aux longs cheveux noirs adressa un large sourire à la jeune femme. Cette dernière dut se souvenir qu'ici, dans ce lieu qui confinait à l'onirique, elle pouvait se servir de ses jambes et elle se leva de sa couche, ressentant un bonheur incroyable lorsque la plante de ses pieds toucha le marbre frais. Elle était vêtue de voiles de moires fixés par une broche d'or représentant un colibri en vol. Le dragon ouvrit les bras et Sophie y plongea, rassurée d'avoir vu revenir celui dont elle pensait qu'il n'était qu'une création de son subconscient.

— J'ai eu peur que tu ne me reviennes jamais, fit la voix grondeuse de la créature aux yeux verts.

— Moi aussi, répondit la médecin-légiste avec un soupir.

Elle jeta un coup d'œil à la jungle luxuriante, en contrebas et demanda :

— Nous ne sommes encore jamais allés ailleurs que dans cette chambre. J'ai vraiment très envie de marcher.

— Marchons. Il y a un escalier dissimulé sous une tapisserie, à ta droite.

— Je croyais que les dragons savaient voler.

— Pas avec ces fers, regretta l'homme aux yeux vert, palpant l'anneau lisse qui cerclait son cou.

— Il faut que nous parlions de ça, avant que je ne reparte.

— Pourquoi pas.

— Non, je voulais dire : je dois te le retirer avant que je reparte.

— C'est bien différent. Tu ne me l'as pas ôté la dernière fois.

— Parce que tu m'as retenue.

Sophie ne pouvait s'empêcher de ressentir un plaisir animal en sentant les muscles de ses jambes rouler sous sa peau alors qu'elle descendait un escalier en colimaçon dont les murs étaient bordés par des boules de verre – ou de cristal de roche, au vu de leur aspect – remplies d'une sorte de liquide bioluminescent.

— Et j'ai bien fait, fit le dragon en avançant devant elle alors que la jeune femme observait distraitement les volutes jaune ou bleues qui s'agitaient dans les globes, éclairant l'escalier qui semblait avoir été taillé à même la roche blanche. Mes frères me l'ont âprement reproché, mais j'ai eu raison de retenir ta main.