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— Laissez moi une seconde pour comprendre... J'ai donné des directives et vous les avez annulées, c'est bien ça ?

Amos, au téléphone avec le Dr. Song, était livide, les muscles de sa mâchoire carrée ondulant sous sa barbe de quelques jours au rythme de ses dents qu'il serrait et desserrait dans le but de contenir sa colère.

— J'ai jugé que perdre des moyens et du temps en envoyant des hommes sur une île était inutile, à notre connaissance ils n'ont aucune raison logique d'aller là-bas.

Très bien, j'imagine que vous basez ça sur des faits et pas seulement sur votre doctorat en lecture psychique.

Mesurez vos paroles-

Et vous mesurez vos actes. Vous avez votre domaine, moi j'ai le mien et je réagi assez mal quand un client essaye d'interférer avec mes méthodes.

Ce sont des menaces ?

— Une constatation. Jusque là vous avez quoi ? Une fausse alerte qui nous a fait perdre deux jours et demi en France, et des RAS partout ailleurs. La balle est dans votre camp maintenant, soit vous vous trouvez d'autres hommes de main abrutis pour finir le job sous vos ordres, soit vous vous fiez à des professionnels. Et dans ce cas là, vous avez tout intérêt à déployer les moyens pour nous faire arriver sur cette île le plus rapidement possible.

— ... Soyez prêts dans trois heures.

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Bottes cloutées claquant sur les pavés, bretelles pendantes sur son pantalon à carreaux et veste en cuir doublée au col bien remonté pour affronter le vent, Ayden arriva devant l'entrée d'un des rares clubs de l'île minuscule qui lui servait de résidence avec l'idée de boire un verre dans une ambiance moite mais vivante, avant de retourner à sa vie d'ermite.

Jamais Susan n'aurait été d'accord s'il l'avait avertie, et il était chanceux qu'elle n'ait pas encore découvert ses autres incartades, mais contrairement à elle il n'était pas fait de marbre et il avait besoin de s'aérer un peu, de temps en temps. Alors il avait attendu que la lumière filtrant par l'interstice sous la porte de sa chambre disparaisse pour s'esquiver silencieusement, sa culpabilité vite dissoute dans l'air iodé de la nuit.

L'odeur de l'océan. Au moins ça, il aimait bien. D'ailleurs il essayait d'en profiter le matin aussi, quand il se motivait pour sortir boire son café quotidien sur la plage. Une habitude que son mentor n'hésitait pas à qualifier — très exagérément selon lui — d'addiction, mais qu'il tentait malgré tout de réduire un peu.

Retirant son bonnet en arrivant face au videur, il raviva rapidement ses cheveux aplatis, réarrangeant les mèches blond cendré pour mettre en valeur son undercut. Il avait même renoncé à son iroquoise pour Susan et surtout pour la science, c'était dire s'il mettait du sien dans tout ça ! L'homme le laissa passer, et il s'enfonça dans le couloir aux murs sombres qui menait à la piste et au bar.

L'établissement était petit mais animé, une masse hétéroclite de danseurs occupant la majorité de l'espace plutôt bas de plafond qui renvoyait un peu ce côté "fête clandestine dans une cave" qu'Ayden trouvait assez à propos au vu de sa situation. Il était déjà venu deux fois, espaçant raisonnablement ses visites, et il constata avec satisfaction en s'approchant du comptoir que le barman de ce soir lui était inconnu.

— Un Old Fashioned ! Commanda-t-il en haussant la voix pour se faire entendre par dessus la musique alternative typiquement anglaise, qu'il appréciait assez d'ailleurs, patientant ensuite sous les lumières stroboscopiques.

Nano.Where stories live. Discover now