Chapitre 65

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POV Daniëlle

Il reste quinze minutes. Le score est de deux buts partout. Kelley me regarde avec suspicion, se demandant ce que je lui réserve encore comme surprise. J'ai encore trois changements possibles et aucune joueuse n'est à l'échauffement. J'observe Ellie, Aitana et Alexia combiner entre elles pour surprendre les Argentins. Les commentaires se sont tu. Les Argentins doivent se concentrer pour venir à bout de la technique d'Aitana. L'Espagnole est en train de prouver à tous pourquoi elle est la meilleure joueuse du monde. Alexia la suit comme son ombre. Bien que les médias les opposent, la solidarité entre Alexia et Aitana est aussi puissante qu'entre Wendie et les Lyonnaises.

Je la regarde dribbler avec finesse et force. Le visage de Di Maria se froisse de frustration et de honte alors que le ballon lui passe entre les jambes. Avant qu'il ne se retourne, Aitana est déjà partie. La défense s'empresse de venir à sa rencontre. Une talonnade bien placée permet à Alexia de récupérer le ballon. L'offensive, pourtant bien menée, se heurte à la barre transversale. Tagliafico dégage en catastrophe. Allister effectue le trajet inverse et remonte vers notre but pour frapper. La majorité de nos joueuses sont encore dans la moitié de terrain argentine. Selma et Ellie se précipitent une nouvelle fois. Aitana et Alexia suivent. Christiane réussit l'exploit de détourner les frappes de Messi et de Dybala. Le chaos règne devant nos filets. Notre but est vide. Di Maria, encore lui, tire. Je retiens mon souffle. Christiane est trop loin. Deux corps sautent en même temps. Le ballon est bloqué in extremis sur la ligne de but par Ellie et Selma. Les deux tombent à genoux. Di Maria retente sa chance et frappe en force. Ellie se redresse juste à temps pour empêcher le troisième but argentin. Le ballon la percute en plein dans l'estomac. Encore. Son cri me glace le sang commence la première fois.

« Pourquoi toujours Ellie ? » dis-je en sifflant au souvenir.

Il reste dix minutes pour tenir et arracher la victoire.

« Daniëlle ! Fais quelque chose ! » hurle Kelley.

J'appelle l'arbitre de touche.

« Changements ! »

Sonia, Camille, Kelley et Andrine me regardent avec une expression perplexe. Chacune d'elle cherche à comprendre qui je suis sur le point de faire entrer alors que personne ne s'échauffe de notre côté. J'ignore leur regard confus et reste concentrée sur mon plan d'attaque.

« Vous êtes prêtes ? » crie-je sans détourner les yeux du terrain.

Kelley cligne des yeux.

« Daniëlle ? »

Je l'ignore à nouveau en prenant le risque qu'elle me saute à la gorge.

« Lindsey ! Delphine ! Sortez maintenant ! »

Les deux Lyonnaises sont surprises mais obéissent sans hésiter. Kelley s'attendait à ce que je fasse sortir Alexia mais je veux encore laisser jouer le trio Ellie, Aitana, Alexia. La vitesse et la technique sont déjà sur le terrain, maintenant j'y apporte de l'expérience. Les deux remplaçantes se mettent en position pour entrer. Les bouches de Sonia, Camille et Kelley s'ouvrent brutalement. Un audible hoquet collectif descend des gradins du Parc OL. Il est immédiatement suivi d'une acclamation bien plus forte que celle réservée à Aitana par les supporters du FC Barcelone. Ellie me regarde avec la même expression que mes coachs et Kelley. Je lui fais un clin d'œil qui la fait rougir et détourner le regard.

« ROUGE ET BLEU SONT NOS COULEURS ! LYONNAIS EST NOTRE CŒUR ! » chantent les supporters de la première heure.

Les arbitres permettent les entrées. Louisa et Lotta franchissent de nouveau la ligne de touche sous les couleurs lyonnaises. Tous les supporters du grand OL sont debout, fous de joie et de plaisir de retrouver les deux légendes de l'OL féminin. Michelle Kang, présente depuis le début de la rencontre, suit le mouvement et applaudit.

Le jeu reprend. Il faut peu de temps aux deux stars de l'OL pour retrouver leurs sensations favorites. Je glousse en constatant la maladresse d'Ada et d'Eugénie après avoir retrouvé leurs anciennes coéquipières. Mes lignes sont ajustées pour permettre la meilleure combinaison possible. Je décale Alexia à gauche pour laisser Louisa en numéro dix, le poste qu'elle a toujours occupé à Lyon. Aitana est repositionnée juste au-dessus d'Ellie. En attaque, Eugénie passe à gauche, Lotta à droite et Ada se positionne en pointe.

Je me tourne enfin vers mon banc. Si les regards peuvent tuer alors je ne suis plus de ce monde. Sonia et Camille se frottent frénétiquement les yeux, incapables de se remettre de ce que je viens de faire. Moi-même, je dois me concentrer en réalisant que la ligne du milieu est maintenant composée des deux meilleures joueuses du monde en activité et de la meilleure technicienne qui ait joué en Europe... Sur le terrain, nous avons donc quatre joueurs récompensés du Ballon d'Or ainsi que l'Iniesta et la Zidane au féminin... Les larmes me montent aux yeux. L'équipe est presque trop belle.

Toutefois, les cris des supporters argentins me tirent violemment de mes pensées nostalgiques. Manquant de forme physique, Louisa vient de se laisser surprendre par Di Maria. Aitana et Ellie resserrent instantanément les rangs, formant un bloc défensif compacte sur lequel vient se briser l'offensive argentine. Aussitôt hors de danger grâce à Wendie, les lignes se redéploient. Alexia et Aitana s'élancent vers l'avant, suivies par Selma et Ellie. Au milieu, Louisa affronte simultanément Messi et Di Maria. Fidèle à sa réputation, l'ancienne internationale élimine les deux joueurs avec une élégance et une facilité déconcertantes que je n'ai vues que chez une seule personne : Aitana.

L'attaque lyonnaise se met en place. Nous sommes revenues quelques années en arrière. Louisa combine avec Lotta qui est isolée. L'ancienne capitaine de la Suède, poussée par toutes son équipe nationale, fait parler son talent et dribble la défense avant de devoir s'appuyer sur Aitana quand Paredes commet une faute pourtant flagrante sur elle. L'Espagnole récupère et attend que Lotta se relève pour relancer l'offensive. Déterminée, Lotta centre sur Ada qui décale sur Eugénie au dernier moment. Eugénie est forcée de renvoyer vers Ada pour ne pas se faire contrer.

« Allez Ada ! » hurle Andrine.

Ada et Tagliafico se percutent. L'Argentin réussit à faire perdre l'équilibre à Ada mais elle parvient au dernier moment à dévier vers Lotta. Cependant, Martinez a bien anticipé. Le ballon est dégagé des deux poings. Le gardien argentin ordonne la contre-attaque. Alexia et Aitana commencent déjà à se replier. Ellie et Selma également. Complètement démarquée et oubliée, Louisa s'interpose avant même que Dybala ne puisse réagir.

« Lotta ! » appelle Louisa en effectuant une passe en profondeur.

Alexia, Aitana, Ellie et Selma font immédiatement demi-tour et remontent précipitamment en soutien. Les quatre ailières fixent les milieux et les défenseurs argentins pendant que Lotta, Eugénie et Ada se battent contre Martinez. La Française et la Norvégienne buttent tour à tour sur le portier de l'Albicéleste, le poteau et la barre transversale. Le cauchemar de la coupe du monde masculine surgit quand Martinez effectue un arrêt décisif face à Eugénie. Trop hautes, nos joueuses ne peuvent ralentir ou bloquer la contre-attaque. Wendie et Becky sont renversées et Christiane est impuissante. Les Argentins exultent.

3-2 pour l'Argentine.

Il reste cinq minutes de jeu et nous sommes de nouveau menées.

« Allez ! » hurle Kelley.

All Stars : Face au destinWhere stories live. Discover now