Missionnaire assistée // Saison 2

2.3- Isabelle

— Votre Altesse Sérénissime, vous serez logée avec la délégation franco-portugaise.

Devant une telle déclaration, Isabelle se sent offusquée. Si Océane et Inaya n'existaient pas dans l'équation, elle serait même fière de loger avec la dite délégation. Mais à cause d'Océane, reine de France et du Portugal, elle se doit de refuser l'offre.

— Merci beaucoup. Je logerai de préférence avec la délégation de Hanovre.

En réalité, la noblesse de Hanovre ne lui est pas apparentée et elle n'a aucune relation particulière avec le roi Ernest-Auguste V. La seule qui serait encline à l'accueillir en son sein est la reine consort Joséphine de Habsbourg-Lorraine.

Isabelle rencontre néanmoins le prince héritier Alfred de Hanovre. Ce n'est pas la première fois qu'ils se côtoient et la duchesse d'Águeda finit par obtenir la faveur d'être acceptée parmi la famille royale hanovrienne.

Mais aujourd'hui, à l'aube du traditionnel sommet européen, l'infante n'a pas le choix : elle doit rendre visite à la reine de France.

Sinon, je n'échapperai pas au feu des critiques. Je le sais.

Isabelle n'est pas angoissée à l'idée de rencontrer Océane. Elle sait qu'en réalité Gaëlle n'a aucun différend avec elle et que sa visite ne lui sera pas insupportable. Assise dans un véhicule aux vitres teintées, la duchesse d'Águeda est en grandes réflexions tout en attendant le moment où elle fera face à la reine, accueillie pour l'occasion à l'ambassade du Portugal en Grèce.

Comme elle s'y attendait, sa cousine Inaya a accompagné la reine de France jusqu'à la dite ambassade.

Bien sûr, ce voyage a été traumatisant pour elle. Inaya ne s'est en effet jamais remise des séquelles psychologiques laissées par l'attentat.

Un autre élément vient renforcer la conviction de l'infante: Inaya porte une robe à manches longues, ses blessures ne s'étant pas encore totalement refermées. Contrairement à son habitude, elle porte un chapeau bleu, la couleur de la robe qu'elle a revêtu.

Devant elle, les portes du bâtiment s'ouvre et la duchesse est annoncée. Après les salutations d'usage, aucune sollicitude n'est perceptible dans les propos d'Inaya, mais on note plutôt de la surprise lorsqu'elle assène:

-— Est-ce parce que vous vous sentez sans force que vous daignez nous honorer de votre présence ? Quel bon vent vous amène en Grèce, Isabelle ?

L'interpelée ne répond rien jusqu'à l'intervention d'Océane :

— Isabelle, il faut que je vous voie dans le plus bref délai pour une affaire de grande importance.

Isabelle se retourne lentement, faisant face à Océane, qui poursuit :

— Je vous comprends malgré tout. Même si vous ne faites plus officiellement partie de la famille royale de France et du Portugal, vous êtes une princesse, ma cousine. Je ne veux pas vous refuser le privilège de séjourner avec la délégation franco-portugaise, si c'est ce qui vous inquiète...

Isabelle sourit.

— Je vous remercie, Votre Majesté.

Gaëlle ne place pas un mot.

Elle a changé, on dirait ? Jamais elle ne se serait lancée dans cette voie. J'espère seulement qu'elle est sincère.

Autour de la duchesse d'Águeda règne un silence glacial. Elle ne s'attendait pas à un tel retournement de sa situation. Isabelle doit désormais s'interdire de poster avec la famille royale de France: ce serait une usurpation d'identité. Elle est une princesse franco-portugaise certes, mais elle ne doit pas franchir ses limites.

— Sachez également que si vous enfreignez les règles vous concernant, votre avenir en France sera automatiquement hypothéqué, entend-elle clamer dans son dos.

Elle ne se retourne pas, trop décidée à gagner la sortie de l'ambassade. Ce qui vient de lui être rappelé, elle le sait déjà. Donc, pas la peine de s'arrêter pour écouter quelques mots de plus. Tout ce qui intéresse Isabelle, c'est le fait d'avoir accompli son devoir. Même si elle ne pourra pas être comptée dans la famille royale française, elle est une infante portugaise, et cela lui donne le droit de ne plus se sentir apatride.

Tout au moins...