Missionnaire assistée // Saison 2

11.3- Océane

Claudia siège désormais au Conseil d'État. Son admission a été approuvée par la majorité des ministres de la reine Océane. Bien entendu, l'infante n'a pas encore pris de poids au sein de l'assemblée et comme la reine le lui a fait savoir, c'est sur Inaya que la princesse de Beira devra compter pour faire ses premiers pas d'héritière en seconde place de la couronne. Elle n'est pas la seule personnalité princière à y siéger: sa sœur Inaya, Gérôme de Condé, Élisabeth de Clèves ou encore Victoria de Bourbon e Bragança-Iturbide sont d'autres haut-gradés de l'aristocratie française.  Aujourd'hui, l'infante Claudia assiste à sa deuxième séance du Conseil d'État et l'un des sujets à l'ordre du jour est évidemment le départ définitif de la princesse de l'Union pour l'Allemagne.

Suite aux démarches de la reine de France et de la princesse impériale du Mexique, le roi Louis III de Bade a été le seul à accepter de l'accueillir dans sa résidence royale. Cela dit, de prochaines fiançailles sont attendues au royaume de Bade. Du moins, c'est ce que pensent bon nombre des conseillers d'État. 

En prévision des craintes de l'infante, Gaëlle a signifié à son homologue que celle qu'il envisage d'épouser deviendra certainement reine de Bade et que par conséquent, elle-même abdiquera en faveur de sa sœur Inaya le jour du couronnement d'Isabelle en tant que reine de Bade.

J'éviterai ainsi que ma sœur n'ait à se courber devant elle. Mais comme le veut l'usage français, je conserverai l'ensemble de mes titres même si je ne suis plus sur le trône... En ce qui concerne Claudia, elle prendra automatiquement tous les titres utilisés actuellement par Inaya. J'espère seulement qu'elle se montrera à la hauteur de sa fonction.

Après la réunion du Conseil d'État, Océane s'est retrouvée dans sa chambre. Selon ses dires, elle abdiquera après seulement cinq ans de règne. Mais contrairement à ce que l'on peut penser, elle n'est pas angoissée par la perspective de son abdication. Si elle s'est opposée à l'union de sa sœur au tsar Nicolas VI, c'est parce qu'elle envisageait déjà de lui laisser le trône un jour. À cet effet, Inaya a été préparée à sa nouvelle tâche en exerçant la régence pour le compte de la reine de France pendant un mois.

Océane se lève promptement et sort à la rencontre de ses deux sœurs. Une deuxième fois. La première fois, elle les a rencontrées lorsqu'elle allait confier la régence à sa sœur Inaya. Mais aujourd'hui, sa rencontre avec ses deux sœurs est plus que solennelle. Assise à huis clos avec elles autour d'une table, l'expression d'Océane est plus grave qu'elle ne l'a jamais été. Comme si sa prochaine abdication semblait soudainement l'attrister.

— Comme je te l'ai souvent affirmé, Joëlle, j'ai toujours désiré te céder le pouvoir. Voilà pourquoi j'ai veillé à ce que tu sois préparée à monter sur le trône si jamais je suis dans l'incapacité de régner. J'ai contacté le roi Louis III de Bade et il est le seul souverain à avoir choisi d'épouser notre cousine Isabelle.

Inaya est assise en face d'elle, visiblement sous le choc.

— Cela dit, il est fort probable que je te laisse le trône. Je ne veux pas voir Isabelle devenir reine alors que tu es encore princesse. Voilà pourquoi, j'ai promis d'abdiquer le lendemain du couronnement de la future reine de Bade.

— Tu peux quand même l'en empêcher ! s'exclame Inaya.

— Ne me dis pas que tu n'es pas prête !

Claudia, qui allait interagir, s'interrompt soudain devant la réaction d'Océane.

— Ce n'est pas en vain que tu as eu les meilleurs précepteurs du royaume: c'est pour pouvoir me succéder le moment venu. Sais-tu ce qui se serait produit si j'avais refusé d'assurer la continuité de l'État à la place de notre père ? Ce serait la maison de Bourbon-Condé qui occuperait le trône, au lieu des progénitures légitimes de Philippe VII. Si jamais tu te montres faible comme Isabelle II d'Espagne, je suis sûre que le même sort t'atteindra. Or, ce n'est pas ce que je désire. Alors, il est temps pour toi de vivre avec la pensée de ta prochaine accession au trône. Il faut que tu t'y habitues !

Océane s'est littéralement emportée contre sa puînée pour tenter de motiver Claudia, sa sœur benjamine.

Mais au fond, je la comprends. Comme moi, elle a grandi en considérant davantage le fardeau lié à la couronne que le faste comme lot de tout souverain. Pour nous, la fonction royale ne se résume pas aux fêtes et aux honneurs et c'est cette face cachée qui fait trembler ma sœur.

Elle s'adoucit en poursuivant :

— Je sais ce qui te dérange dans mon annonce : tu ne veux pas encore paraître dans la lumière parce que tu es jeune et que tu es de santé fragile. Voilà pourquoi il te faudra être beaucoup plus active au Conseil d'État afin de donner un exemple à ta sœur Claudia.

— Cela signifie que je serai d'ici peu la nouvelle dauphine de France ? intervient Claudia.

Sa voix est si forte qu'elle fait écho à travers toute la pièce.

Océane se contente d'un hochement de tête.

Tu as été isolée du reste du monde pendant trop longtemps. J'espère que mon annonce te sortira de ta torpeur !

Elle fait mine d'ignorer la réaction de Claudia et édicte, d'une voix claire et forte:

— Il faut que je te parle, Inaya. Du moins seule à seule.

Le silence qui fait suite à son intervention donne l'impression qu'elle n'a plus besoin d'écouter les avis des membres de sa famille. Sa voix a claqué comme un fouet aux oreilles de ses sœurs.

Sa décision est prise et elle est plus que jamais déterminée à tenir parole.