10.4- Inaya

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Inaya s'est réveillée deux jours après sa chute. Comme après l'attentat à la bombe qui l'a visée, elle a été soulagée de revoir Océane dans sa chambre d'hôpital.

Elle a toujours été là pour moi, en dépit de ses fonctions impériales et royales.

L'attitude de Gaëlle en ce moment contraste fortement avec son comportement après l'attentat de Paris : elle n'est plus la jeune femme démoralisée qui a été à l'œuvre ce jour-là. Loin de se montrer apathique, son expression reflète l'impériosité qui la caractérise en tout temps et qui a contribué à la placer sur trois trônes.

- Inaya ?

L'infante tourne la tête.

- Ma sœur, souffle-t-elle.

- Je me réjouis de savoir que tu as survécu...

À ces mots, Inaya s'assied.

Encore une fois, elle est la première à me rendre visite. Peut-être parce que sa position de souveraine la place au-dessus de tout dans le royaume.

- Comment te sens-tu ?

Inaya lève les yeux au ciel.

- Tu guériras, la rassure Océane. Cet état de choses ne peut pas durer.

L'infante se sent mieux qu'au jour où elle s'est réveillée pour la première fois après la tragédie. Seules des céphalées lancinantes persistent, lui rappelant une fois de plus qu'elle aurait pu descendre dans la tombe plus tôt que prévu.

Même si cela déchirerait le cœur d'Océane au passage.

- Je ne me sens pas prête à te succéder, Océane. Pas après ce qui s'est passé deux jours plus tôt. Je suis convaincue que mon statut privilégié n'est pas compatible avec ma santé et par conséquent, je me résous à être reléguée au second plan.

Ces bribes de phrases, loin d'attendrir Océane, la révoltent. Cependant, la jeune femme, toujours maîtresse d'elle-même, ne s'emporte pas lorsqu'elle rétorque :

- Tu n'es pas la première aristocrate à avoir une santé chancelante, ni la plus dénigrée. Tu es entourée d'une famille qui t'aime et qui te comprend. Bien entendu, je ne te force pas à assumer tes responsabilités princières: je sais que tu n'en es pas capable à l'heure actuelle. Cependant, ne fais pas de ta condition un handicap dans ta course. Ta sœur te servira de rempart, étant la souveraine absolue de la France, du Portugal et des Amériques.

La voix d'Océane s'est adoucie au fur et à mesure qu'elle parlait. Si elle a rendu visite à l'infante, c'est pour se solidariser avec elle en tant que sœur.

- Tu demeureras mon héritière, Joëlle, poursuit Océane. Je veillerai à ce que tu ne sois pas raillée à cause de ton état de santé. Après tout, tu n'y es pour rien.

Elle retrouve d'un coup son attitude altière si caractéristique lorsqu'elle ajoute :

- J'ai tenté de communiquer avec Maximilien III de Bavière. Ta cousine ne tardera donc pas à fouler le territoire allemand pour y trouver un partenaire. J'ai aussi modifié sa titulature: Isabelle ayant perdu le duché de Mayenne, ce dernier est désormais rattaché au domaine de la Couronne. À partir d'aujourd'hui, elle est Son Altesse la princesse de l'Union, duchesse d'Águeda, infante du Portugal.

Inaya reste de marbre. Voilà déjà six mois depuis que le sort de sa cousine ne l'intéresse plus et qu'elle l'a relégué au second plan. Entendre parler d'Isabelle lui cause parfois beaucoup d'ennuis et elle préfère verrouiller son histoire dans un coin de son esprit. Pour ce qui est d'Océane, l'infante doit avouer être surprise d'apprendre sa dernière décision, même si elle la trouve inutile.

Le mal est fait, et rien n'y remédiera.

- Nous avons également quelques visites, reprend Océane. Les princes Guillaume de Bavière, Alexandra du Royaume-Uni et Frédéric de Hanovre sont actuellement hébergés à Versailles.

- Cela signifie que je n'aurai à croiser personne de plus haut rang que moi à Versailles.

- En effet. Aujourd'hui, je ne peux que constater l'admiration de l'Europe pour la Cour franco-portugaise. En une seule semaine, plus de trois royaumes ont sollicité notre hospitalité. Georgevitch de Russie, la grande-duchesse de Toscane, les princesses Charlotte de Bourbon-Parme et Marguerite de Bourbon-Deux-Siciles seront également des nôtres au château, sans compter Léopoldine de Brunswick.

L'infante blémit.

Cela signifie implicitement que je devrai tenir bon pour ne pas m'effondrer en leur présence. Pourquoi donc tous ces princes et princesses veulent-ils soudainement séjourner au château ?

Ces interrogations, Gaëlle ne manque pas de les comprendre et d'en saisir le bien fondé. Mais il y une semaine, l'Europe vient d'être secouée par la disparition de Guillaume VI et l'avènement de Victoria II sur le trône anglais. Pourtant, aucun prince français n'a été en visite à Londres. Gaëlle prend le soin de rappeler tous ces détails à l'infante avant de conclure :

- Je ne veux pas être surprotectrice. Oui, je t'ai soutenu pendant ta convalescence, mais je veux que tu commences à assumer tes responsabilités d'héritière. C'est toi qui me représenteras à Londres pour les funérailles de Guillaume VI. Tu transmettras également mes salutations à la reine Victoria II du Royaume-Uni... Je crois en toi, et je sais que tu réussiras.

- Et que t'a dit Charles XVII en passant ?

Océane se fige.

- Rien pour le moment. J'espère bien qu'il profitera des funérailles de Guillaume VI pour enfin s'exprimer sur l'attentat de Paris. Sinon, je crains qu'il ne puisse supporter les conséquences de son insouciance.

- Qui peuvent être... ?

- Oh! De divers ordres. N'est-ce pas le lot de défis liés à la couronne ?

Tu voulais devenir reine, Inaya. À présent, il faut que tu t'affirmes en tant que future souveraine sur l'échiquier politique européen.

Missionnaire assistée // Saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant