Missionnaire assistée // Saison 2

11.2- Inaya

Deux jours après sa rémission, l'infante a enfin décidé de reprendre en main ses activités princières. À cet effet, la première tâche que lui a assigné Océane est de contacter la grande-duchesse Anne-Élisabeth de Toscane. À un certain degré, c'est une homologue d'Inaya, son qualificatif étant celui de presque tous les princes d'Europe. Depuis son accession au trône, Anne-Élisabeth est connue comme Son Altesse Royale la grande-duchesse de Toscane. Néanmoins, elle est souveraine, tandis que l'infante Inaya est encore une princesse. Cela dit, elle passe pour inférieure à la grande-duchesse en termes de rang.

L'infante est assise derrière le pupitre de son bureau. Devant elle est installé un téléphone aux courbes dorées. Elle fixe l'appareil un instant, se rappelant bien que c'est sa propre ligne officielle qu'elle s'apprête à utiliser pour contacter la souveraine de Toscane.

— Bonjour, Votre Altesse Royale ! salue-t-elle. Je suis l'infante Inaya de Bragança e Saxe-Cobourg-Gotha, princesse impériale du Mexique.

— Bonjour, Votre Altesse Impériale et Royale !

L'infante sourit. Derrière elle, Océane est debout, écoutant chacun des mots prononcés afin de redresser la balance et de pallier aux éventuelles failles de sa sœur.

— Je vous appelle pour une affaire d'extrême urgence, poursuit-elle.

Et elle raconte à la souveraine l'essentiel de son inquiète concernant Isabelle, mais la réponse de son interlocutrice la laisse pratiquement sans voix.

— Je suis certes la grande-duchesse de Toscane, lui fait comprendre Anne-Élisabeth, mais je suis sous l'autorité du roi Victor-Emmanuel IV d'Italie. Il faut donc qu'il soit au courant de votre démarche. Étant donné que vous en avez parlé à quelques souverains allemands, je pense que vous devez d'abord essayer d'en parler de nouveau à l'ensemble des souverains de l'Allemagne.

Inaya déglutit, puis poussée par sa sœur, elle répond :

— J'ai bien compris votre position, Votre Altesse Royale. Mais dois-je vous rappeler que c'est au nom de la reine de France que je vous appelle aujourd'hui ?... Puisqu'il en est ainsi, la Maison royale de France vous assure qu'elle fera elle-même le pont entre Victor-Emmanuel IV et le grand-duché de Toscane. Rappelez-vous, Votre Altesse Royale, vous êtes souveraine au même titre que Sa Majesté le roi d'Italie. Ce n'est pas une différence entre vos prédicats  qui vous différencie en termes de rang. À titre d'exemple, je suis la duchesse de Bragance avec qualificatif d'altesse impériale et royale, pourtant je ne suis supérieure ni à la princesse des Asturies ni au prince d'Orange.

Inaya se tait. Les secondes qui s'étirent entre son intervention et celle de la grande-duchesse lui semblent être une éternité. Pendant un instant, elle croit même avoir franchi ses limites, mais elle se rassérène aussitôt, ayant bien conscience qu'elle est obligée de recourir à de telles méthodes pour le bien de son peuple et pour sa propre sécurité.

À force de patienter, l'esprit de l'infante se détourne même de la conversation avec la souveraine toscane pour s'attarder sur des sujets d'ordre familial. Ses échanges avec Anne-Élisabeth l'ont ramenée à sa triste réalité. Sa condition princière est enviée de tous certes, mais elle est devenue comme piégée dans son propre palais. Désormais, la duchesse de Bragance ne peut effectuer aucun voyage à l'étranger sans une formidable escorte d'hommes entraînés. La reine Océane a trop peur de la laisser s'envoler seule, alors même que tout cela fait partie de ses devoirs de princesse héritière... Mais bien vite, l'infante est ramenée à sa conversation initiale par la remarque de la grande-duchesse :

— Votre détermination m'étonne ! Mais quel est votre intérêt là-dedans ?

— Cela, j'en fais mon affaire, répond simplement l'infante.

Elle se garde de révéler son différend avec Isabelle. S'il y a quelque chose dont Inaya doit se rappeler, c'est que sa position de future souveraine lui interdit de divulguer des informations aussi précieuses et confidentielles. Éventer les secrets de sa fuite en France et de l'implication directe d'Isabelle dans l'attentat qui l'a visée ne ferait que fragiliser sa situation. Elle a certes réussi à se faire des alliés, mais elle compte encore des détracteurs dans sa propre famille et dans certains territoires européens. C'est pourquoi il est important qu'elle veille attentivement sur chaque mot prononcé. Il est encore trop tôt pour qu'elle se confie à Anne-Élisabeth au point de lui révéler l'essence de sa vie au Mexique et en France, en passant par l'accession d'Océane au pouvoir et sa nouvelle condition de princesse héritière.

— Dans ce cas, j'ose espérer que votre démarche portera ses fruits dans le plus bref délai, répond la grande-duchesse avant de mettre fin à l'appel.