Chapitre VI : Comme un air de famille

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« Lorsque le feu rencontre l'eau. »

*

Encouragé par le rayonnement intense de l'astre solaire, Agar combattait avec rage contre un mannequin de paille sèche à l'aide d'une épée taillée dans un bois sombre. Le visage perlé de sueur et les muscles brulants de l'effort, le jeune homme poussa un cri guerrier en abattant son arme factice dans le poitrail de sa cible.

Au même moment, les trompettes entamèrent leur chant, souhaitant la bienvenue aux soldats passant la herse relevée. Agar stoppa son entrainement, curieux de savoir si son père faisait partie des arrivants. Cependant, lorsqu'il aperçut le groupe, son regard s'ancra sur deux personnes à la peau claire au milieu des darlenien. Parmi ces deux intrus, une jeune fille. Ses longs cheveux bruns ondulés tombaient jusqu'au milieu de son dos et flottaient légèrement. Ils étaient poussés par une brise qui amenait les vestiges de ses plaintes jusqu'aux oreilles d'Agar. Il lui donnait quelques années de moins que lui, même si, au vu de la distance, il était presque impossible de se fixer sur un âge précis.

- Enfermez moi ça à double tour, ordonna son père tout en poussant le second étranger vers des gardes qui se pressèrent de l'empoigner.

Les iris dorées du jeune homme s'attardèrent sur l'homme aux tresses étranges. Celui-ci se débattait avec hargne pour essayer de rejoindre l'adolescente qu'un soldat emmenait en direction de l'infirmerie de la forteresse safranée.

- Nyha ! Laissez la ! criait l'askanien pendant que les gardes peinaient à le maintenir en place.

Tandis qu'il contemplait la scène avec incrédulité, une main ferme se posa sur son épaule - froissant sa tunique en lin écru - pour l'éloigner des lieux.

- Père ? s'étonna Agar en constatant que du sang coulait de sa tempe droite.

- Ce n'est que superficiel, se contenta-t-il de répondre.

Agar déglutit, jetant un coup d'œil en arrière pour voir que l'homme à la peau claire était lui aussi couvert de coupures. De toute évidence, un combat avait eu lieu entre eux deux, et son père en était sorti vainqueur, à son grand soulagement.

- Je me charge de lui, reprit son père qui avait suivi son regard. Nous avons besoin de toi pour autre chose.

- Quoi donc ? interrogea Agar dans l'espoir que son père lui confit enfin une mission palpitante, digne d'un vrai soldat.

A son grand regret, celui-ci lui demanda simplement de veiller sur leur jeune prisonnière. Comme si personne d'autre ne pouvait s'en charger ? S'exaspéra-t-il intérieurement. A contre cœur, l'elfe tout juste majeur rejoignit l'infirmerie pour trouver sa nouvelle protégée assise en tailleur sur l'une des nattes posées à même le sol pendant que l'unique guérisseur préparait une mixture à base de plantes dans une petite pièce annexe servant de réserve. Le jeune homme y jeta un rapide coup d'œil à distance avant de s'avancer tranquillement vers l'askanienne qui le dévisageait d'un air méfiant.

Agar se força à ne pas s'offusquer d'un tel comportement et se contenta de sourire tout en venant s'assoir sur une natte en face d'elle. Il posa ses coudes sur ses genoux en essayant de prendre un air aussi naturel et détendu que possible.

- Qui es-tu ? Demanda la jeune elfe d'une voix cassante comme du miel dur, le regard glacial tel l'hiver.

L'accent typique de la côte Nord-Est de l'Askan ne leurra pas les fragiles oreilles du darlenien bien trop habitué à la douce intonation mielleuse de son pays. Il sut également déceler une haine féroce dans la voix de la jeune fille, même s'il n'en comprenait pas vraiment toutes les raisons.

- Tu t'appelles Nyha n'est-ce pas ? Tenta-t-il gentiment en repensant à ce qu'avait crié l'askanien dans la cour.

Agar aurait pu jurer qu'une brise de vent emplie de givre venait de s'abattre sur lui lorsque, pour seule réponse, l'adolescente le foudroya du regard. Manquant de baisser les yeux, il se perdit quelques longues seconde dans les irises d'un doux émeraude alors qu'il se demandait comment briser la glace entre eux.

- Je m'appelle Agar. Agar Corian, finit-il par dire en tendant une main amicale vers l'askanienne.

*****

Enfermé dans une petite cellule donnant sur un sinistre couloir de sombres pierres rougeâtres, Melio maudissait le dalrenien contre lequel il s'était battu. Pourquoi n'avait-il pas laissé sa fille partir ? Pourquoi avait-il ordonné qu'on la retienne ? Ce n'était qu'une adolescente...

Et Imia ? Songea-t-il. Avait-elle réussi à quitter le port à bord de leur navire ? Avait-elle été arrêtée en chemin avec Mynar et les autres passagers ?

Deli préoccupait également son esprit. Melio espérait que lui et son frère avaient pu s'en sortir face au grand nombre de dalreniens car, il en était certain, les deux hommes auraient tout donné pour défendre Namaï.

L'écho sourd d'une personne s'avançant dans sa direction le sortit de ses pensées embrouillées. Aux aguets, le quinquagénaire se mit à bonne distance des barreaux de fer afin de ne pas être surpris par une fourberie dalrenienne. Finalement, ce fut calmement que son nouvel ennemi apparut, agrippant fermement le manche de son épée embelli d'un tissu écarlate.

- Vous devriez allez soigner ça, se moqua l'askanien en montrant la tempe de l'homme pour se donner contenance.

Le soldat d'or le jugea un instant, un sourire mauvais sur les lèvres qui ne rassurait guère le marchand.

- Je vous retournerez bien le conseil, mais malheureusement, vous devrez vous en passer.

Melio réprima l'envie de regarder ses vêtements abimés, déchirés par l'épée du dalrenien et rougis par son propre sang. Tout son corps le brûlait de douleur face à l'effort que ses muscles avaient dû fournir durant le combat. Mais ce n'était rien comparé aux piqures des multiples entailles le couvrant de haut en bas. Il fut forcé de le reconnaitre, ses talents de combattants n'étaient plus aussi affutés que lorsqu'il servait dans la Garde Askanienne, et le dalrenien était un épéiste hors pair.

Ses idées se rassemblèrent quand il prit conscience que son ennemi le fixait, curieux de savoir si sa pique avait atteint sa cible.

- Ce ne sont que des égratignures, feignit-il en haussant les épaules.

Prononcer ces mots lui nouait la gorge, mais il ne voulait aucunement implorer la pitié d'un elfe solaire, surtout de celui-ci.

- Espérons-le. Il serait extrêmement navrant de vous perdre pour si peu, ironisa-t-il. Tout comme votre fille, votre nioma.

L'affront du dalrenien fit instantanément bouillir le sang de Melio. Il dut prendre sur lui, et y mettre toute sa volonté afin de se contrôler et ne pas se jeter au cou de l'homme au travers les barreaux de fer. Oser utiliser sa langue pour parler de Nyha et sous-entendre qu'elle était blessée. Comment ose-t-il ?! s'emporta le vétéran intérieurement.

La colère se mêla bien vite à l'inquiétude. Melio avait été inconscient jusqu'à ce qu'ils entrent dans l'avant-poste et une fois dans la cour, il n'avait guère eu le temps de regarder si sa fille allait bien.

Son ennemi disait-il la vérité ? Était-il en train de bluffer ?

Le risque était trop grand. Il avait besoin de savoir. Melio ouvrit alors la bouche mais n'eut le temps de prononcer le moindre mot, que l'elfe s'éloignait déjà, laissant son prisonnier dans sa triste solitude, sans aucune réponse.

*

Les fins de chapitre tristes commencent à être habituelles on dirait ^^"

Néanmoins j'espère que ce chapitre vous aura plu. N'hésitez pas à me le dire. ^^

On se retrouve lundi prochain du côté de Deli et Alden ! :3

PS : le portrait d'Agar est disponible ;)

La Guerre de l'Aube et du Crépuscule [Tome 1 : Les prémices d'une guerre]Where stories live. Discover now