Chapitre 33

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François s'écroula sur le sol.


Ses magnifiques yeux verts qui avaient vu tant de beauté, tant de vie, tant de sourires joyeux à Contre-Jour, ils étaient maintenant écarquillés, incapables de regarder autre chose que la tête explosée du corps gisant.


Le coup de feu avait été si brusque, si violent, que son corps avait été projet à plusieurs mètres du bourreau qui tenait encore fièrement son fusil à pompe en direction de la morte, encore agitée de quelques spasmes dû à ses derniers réflexes nerveux.

Elle avait des doigts maigres qui se contorsionnaient dans le sable, et le jeune homme terrorisé derrière le vieux tacot ne sentait plus les siens non plus.


Ses mains à lui tremblaient tellement, c'est comme si elles envoyaient un signal de détresse dans tous ses membres. Il serrait son crâne entre ses deux paumes, à s'en arracher les cheveux, contractant tous les muscles de son visage. Il priait pour se réveiller dans son lit.

Derrière lui, Anatole trébuchait en arrière au rythme de l'affreuse détonation.
Sa bouche grande ouverte voulait laisser échapper le plus grand des cris de terreur, mais personne ne l'entendait, car c'est toute son âme qui hurlait en silence. Il faisait pourtant partie de ceux qui s'étaient le mieux préparé à découvrir l'horreur de cette maudite surface qui avait chassé ses ancêtres, mais en étant témoin de ce meurtre secrètement devenu exécution publique, il regrettait tout.

 
Chaque récit qu'il avait lu, chaque recueil des anciens voyageurs, toutes ces discussions avec Stéphane qui lui racontait l'ingéniosité des Hommes, cette envie irrésistible de marcher sur les traces ses ancêtres, tout était parti en fumée depuis qu'ils étaient descendus du wagon.
Lui qui pensait être conscient de la dureté de l'extérieur, il réalisait alors que la réalité était bien loin des idées qu'il s'était faites.
L'Histoire avait prouvé mille fois que l'humain avait un caractère destructeur, mais il avait aussi montré qu'il était créatif et progressiste.


Lorsque Kimchi s'était sacrifié, la société n'était pas en bonne condition et la Nature était épuisée.
Après tout ce temps, Anatole espérait avoir la chance d'arriver sur des terres prospères à nouveau, ou l'intelligence des uns et des autres aurait permis enfin d'instaurer un climat de paix.
Mais ce qu'il avait vu depuis le début de son périple le laissait croire que la situation avait empiré. Il ne savait plus rien, désormais, et ressentait le besoin imminent de devoir s'accrocher à quelque chose.

Ricardo n'avait jamais été aussi pâle, alors que son teint matte contrastait habituellement avec ses mèches platine qui coulaient sur ses épaules nues. Ses sourcils se fronçaient d'appréhension, contrastant les muscles de son front en une épaisse ride d'inquiétude, qui n'apparaît que très rarement sur le visage d'un Illuminé.
Ses lèvres tremblotantes, épouvantées, articulait sans bruits des "non" continuels, secouant inlassablement la tête comme si son opposition allait annuler le drame qui venait de se produire.

 
La main d'Anatole agrippait la sienne avec une force qu'il ne lui connaissait pas.

Jamais il n'avouerait à quel point cette étreinte l'avait tenu loin de l'évanouissement à cet instant précis.

Il allait être fort et courageux.
Pour Alice qui pleurait contre son torse, les yeux fermés aussi forts qu'elle le pouvait.
Pour Anatole qui comptait sur lui.
Pour François.
Et pour Salomé, qui essayait de cacher sa faiblesse comme à son ordinaire, mais dont il voyait bien les yeux larmoyer à grosses gouttes.

L'éveil des IlluminésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant