Échos de la Faille - Chroniques de Fantasmagoria - Livre 1

Partie I - Chapitre 3 : Le clan

SENA

Le feu crépitait, au centre du village. C'était l'un des plus grands qu'elle n'avait jamais vus.

En même temps, cela ne faisait que douze boucles qu'elle était née.

Elle approcha sa main du feu. C'était étrange, cette sensation. Un feu qui brûlait en pleine journée.

Elle en oubliait presque la raison pour laquelle ce feu avait été allumé.

"Sena, t'approches pas trop." Fit la voix rauque de son père.

Elle se recula par automatisme.

Elle sortit son regard des flammes.

Tout autour du bûcher, les membres du clan s'étaient assemblés. Quatre d'entre eux jetaient d'énormes sacs de toile et de cordes, alimentant le brasier.

Des corps.

Ils jetaient des corps.

La cheffe du clan s'éclaircit la voix, et commença son discours, suffisamment fort pour couvrir le crépitement assourdissant :

"Mes amis, membres du clan, anciens comme nouveau, sous la bénédiction des Dieux-Nuages. Aujourd'hui est un jour dont nous souffrons le lourd tribut."

Pendant qu'elle parlait, des tambours se mirent à jouer un rythme lent.

Sena commença à sentir l'émotion monter en elle.

"Ces braves amis, membres du clans, anciens comme nouveaux, retournent aujourd'hui à leur forme éthérée, tout là-bas, auprès des Dieux-Nuages. Ils sont morts pour une noble cause. Aujourd'hui ! Nous avons tenu face à l'oppresseur. Nous avons tenu notre sol, nous avons tenu nos valeurs."

Ça y est, Sena pleurait.

Son père posa la main sur son épaule. Elle se retourna, et enfouit son visage dans ses bras.

Elle ne voulait même pas y penser. Kocht était mort. Sabn aussi. Et bientôt, bientôt, qui ? Son père ? Elle-même ?

"Tu es forte, Sena. Tu es courageuse." Lui chuchota son père à l'oreille. Sa voix tremblait.

"... Cependant ! Le combat n'est pas terminé. Je comprends, je partage votre tristesse. Nos frères, nos sœurs sont morts en ce jour. Mais nous ne pouvons abandonner. Nous nous devons de continuer la lutte, la lutte contre l'oppresseur, contre l'envahisseur des Îles. Pour nos amis, pour les membres du clans, ceux capturés, peut-être torturés à l'heure actuelle."

"Ouais ! Ouais !" Commencèrent à scander certains membres du clan, en rythme avec les tambours

"Alors, réjouissons-nous ! En ce jour, notre clan est sauf, au prix de la vie de ceux qui ont juré, comme tous ici, de le protéger ! Célébrons leur mémoire, et profitons de ce moment d'accalmie ! Festoyons, et demain sera un autre jour !"

"OUAAAIS !"

Même si plusieurs personnes avaient hurlé de bon cœur ce cri cathartique, impossible de ne pas déceler quelque chose d'autre, tout au fond des timbres de voix.

La lassitude. La fatigue. La crainte.

Sena sortit des bras de son père.

Le feu brûlait, plus vif que jamais.

Elle aperçut quelque chose bouger, dans le coin de son œil.

Elle tourna la tête

C'était Rocha, qui lui faisait de grands signes, depuis la périphérie du groupe encerlant le bûcher.

Elle s'écarta des bras de son père, qui la laissa partir sans broncher. Il était obnubilé par la chair en train de brûler.