Échos de la Faille - Chroniques de Fantasmagoria - Livre 1

Partie I - Chapitre 6 : Contrôle

APROXES

Le jour se couchait. Aproxès regardait au loin; à travers la brume du soir, et le ballet de Lullems incessant, Aeroth brillait. Autrefois, lui avait-on dit, Aeroth ne brillait pas. Pas aussi fort. C'était Fantasmagoria qui y avait apporté l'électricité, et qui lui avait permis de se développer, juste après la Grande Guerre qui les avait opposées.

"Tu boiras quelque chose ?" Fit la voix étouffée de Nomosyn.

Aproxès détourna les yeux de la vue magnifique, depuis la petite pièce en haut du Laboratoire de Fantasmagoria. Il se tourna vers sa collègue, qui était, elle, penchée derrière le petit bar de la pièce, en train de fouiller.

"On a le droit de se servir ?"

"Depuis quand tu es procédurier ?"

"Depuis quand tu ne l'es pas..." Rétorqua Aproxès, un peu amusé

"Depuis que cet endroit, de toute manière, n'est plus utilisé. Ca fait un bout de temps."

"Ils donnent pas encore des cours, ici ?"

"En bas, oui. Mais ça fait des cycles que le Laboratoire n'est plus le centre névralgique de la recherche sur la Mer de Nuages."

Aproxès acquiesça lentement. Il passa devant le sofa, faisant courir sa main le long du dossier. En effet, il était couvert de poussière.

Il s'assit.

La pièce n'était vraiment pas très grande. Quatre grands mur de verre et de laiton, comme une petite serre. Un toit en tôle complètement rouillé; un grand sofa en cuir, un bar avec deux chaises, et, surtout, accroché derrière le bar, face au sofa, un immense tableau représentant la Bataille pour l'Île des Gardiens du Ciel.

Ce n'était pas la première fois qu'Aproxès était dans cette pièce. Pourtant, à chaque fois, il ne pouvait détourner son regard de cette œuvre. Tant de puissance, tant de beauté...

"Tiens." Le verre que lui tendit Nomosyn le sortit de sa torpeur. Elle s'assit à côté de lui.

"M'rci." Grommela Aproxès. Incapable de bouger les yeux d'un détail qu'il n'avait jamais remarqué ; sous l'un des Lullem, tout à droite, quelqu'un tombait. Même si ça n'était qu'un détail de l'immensité de ce tableau, rien que cette toute petite figure, parmi la centaine qui recouvrait la peinture, lui faisait ressentir des émotions.

"Rei..." Fit Nomosyn, en sirotant distraitement sa boisson

Aproxès l'imita. Il secoua la tête après la première gorgée; c'était très alcoolisé, mais il aimait bien.

"... On en fait plus, des comme ça." Conclut Nomosyn, la mine étrangement sombre

"Des tableaux aussi somptueux ?"

"Des artistes aussi radicaux."

"Je sais, m'en parle pas..." Se plaint Aproxès. Lui qui avait toujours été, d'aussi loin qu'il s'en souvienne, un amoureux des arts, ça le tuait.

"Tu travailles encore sur une composition ?" S'intéressa Nomosyn, tourné vers lui.

Aproxès ne daignait toujours pas détourner son attention du tableau de maître :

"Ouais... par-ci par-là. En ce moment, avec les missions qui s'accumulent..."

"Je comprends. Moi aussi, j'aimerais avoir plus de temps pour faire des recherches..."

"Tu travailles sur quoi ?" Sorti alors Aproxès. La seule chose qui pouvait plus, sinon au moins autant l'intéresser que l'art, c'était la science. Surtout celle de Nomosyn. Deux esprits brillants, selon son propre point de vue, ils s'étaient bien trouvés.

Comme à son habitude, Nomosyn mit quelques secondes avant de répondre, cherchant ses mots dans les airs, au-dessus de sa tête.