CHAPITRE I

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Septembre 2015, quelque part dans San Francisco.

Je m'apprête à toquer à la porte de nouveau quand soudain, elle s'ouvre sur Tommy.

— Hey ! Comment vas-tu ? demandé-je en tendant la bouteille que j'ai apporté.

— À vrai dire... super bien maintenant que t'es là.

Il passe son bras derrière ma nuque, m'enlace pour me souhaiter la bienvenue puis m'invite à entrer. Je fais mes premiers pas dans l'appartement et découvre rapidement qu'il est aussi miteux que la cage d'escalier : étroit, sombre et défraichi. Le sol est recouvert d'un parquet très abîmé et même noir par endroit. Heureusement que Tommy semble s'être noyé dans l'aftershave avant d'ouvrir parce que c'est infect, et l'odeur qui s'attaque à mes narines est pire à mesure que je m'engouffre. La fumée de ce que je suppose être des cigarettes s'est transformée en un véritable nuage opaque qui flotte dans toute la pièce.

Tant bien que mal, je tente de ne pas juger son espace de vie car nous sommes de simples étudiants et n'avons pas vraiment les moyens de vivre dans le grand luxe. Personnellement, j'ai encore la chance de vivre chez mes parents, mais il me semble d'après les rumeurs, que Tommy a perdu les siens juste avant le lycée. Depuis, même si elle n'est jamais là, sa tante l'accueille dans ce vieil appartement. 

C'est la première soirée où mon père me laisse aller, il a toujours été surprotecteur envers mes sœurs et moi. Nous ne sommes jamais sorties le soir, n'avons jamais fumé ni même bu une goutte d'alcool. Cela peut sembler injuste, mais je réalise petit à petit que cette éducation façonne notre caractère de manière positive. Mon père a ses raisons même si nous ne les comprenons pas toujours. Miraculeusement cette année, il a accepté de lâcher un peu prise. Il est venu me voir, un sourire bienveillant aux lèvres et m'a dit qu'il comprenait que je veuille élargir mon cercle social et me faire de nouveaux amis dans la fameuse « City by the Bay ». Je pense qu'il redoute surtout que cette grande ville dynamique puisse nous engloutir toutes crues. Il craint que nous perdions nos racines, nos habitudes et que la frénésie de la ville nous éloigne de l'unité familiale.

Il est vrai qu'arriver dans ce nouveau lycée était une expérience à la fois excitante et angoissante mais finalement, tout s'est plutôt bien passé. L'ambiance qui règne sur le campus est aussi survoltée qu'en ville et les professeurs sont tous réputés pour leur passion contagieuse, transmettant leur amour pour leur matière respective avec enthousiasme.

Tommy lui, je l'ai rencontré à la cafétéria mardi midi. Je me suis retrouvée seule à manger à une table, je m'apprêtais à plonger dans l'un de mes livres mais mes yeux se sont posés sur lui, alors qu'il approchait avec un sourire amical. Il était accompagné de toute sa bande de copains et à ma grande surprise, ils décidèrent de s'asseoir à ma table. Tommy, avec son air décontracté, m'a salué chaleureusement et a engagé la conversation. Le début de notre échange fût un peu timide car je n'étais pas du tout à l'aise. Ce sont des troisièmes années et qui plus est, des membres de l'équipe de foot du lycée. Autant vous dire que je me suis demandé ce qu'ils pouvaient bien me trouver, leur notoriété fait qu'ils n'ont pas vraiment besoin de nouveaux amis. Mais rapidement, j'ai été séduite par leur bonne éducation et leur sens de l'humour aiguisé.

Tommy a partagé des anecdotes amusantes sur les entraînements, les matchs et la dynamique de l'équipe qui m'ont bien fait rire, même si je n'y connais absolument rien au football. Je ne me voyais donc pas manquer la soirée à laquelle il m'a invité pour que je puisse faire plus ample connaissance avec tout le monde.

Me voilà donc là, dans un appartement qu'on jugerait presque d'insalubre, en attendant tous les inconnus qui enrichiront peut-être mon cercle social.

Et si demainWhere stories live. Discover now