CHAPITRE VI

96 9 6
                                    

Encore à moitié endormie, je saisis mon téléphone et suis tout de suite assaillie par une avalanche de notifications. Plus de soixante messages ? Trente-deux appels ?

Che stupida.

J'ai complètement oublié de rappeler Isabella. En vitesse, je me redresse et lui écrit alors le récit, à la fois libérateur et douloureux, de ma précédente nuit. Mes doigts s'envolent sur l'écran. Je lui avoue tout, avec autant de détails que possible. Admettre la trahison d'Alec, même au travers d'un simple message, rend la réalité encore plus palpable. Chaque mot que je tape, réveille à nouveau la douleur. Mes doigts hésitent sur les touches du téléphone, les lettres devenues floues, à travers mes larmes qui coulent de nouveau.

Alors que je m'apprête à évoquer la rencontre avec Sébastian, je me surprends à envisager les scénarios les plus sombres, les possibilités terrifiantes qui s'offraient à moi, s'il n'était pas arrivé. Qu'aurais-je fait ? Aurais-je encore trouvé la force de me relever ? Je sais déjà ce qui m'attend quand Isabella lira son nom. Sa curiosité ne manquera pas de remarquer l'étrange coïncidence de cette rencontre et je sais déjà, qu'elle posera des questions. Beaucoup de questions.

La présence de Sebastian m'a fait extrêmement de bien. Pendant un bref instant, j'ai pu tout oublier. Pourtant, au milieu de toute cette reconnaissance, une pointe de culpabilité s'insinue. J'ai comme l'horrible impression d'avoir été égoïste. J'étais tellement submergée par mes propres problèmes, que je ne lui ai même pas demandé s'il avait d'autres obligations que de rester à mes côtés. J'ai bien remarqué son air soucieux lorsqu'il a pris son téléphone. Je ne peux m'empêcher de me demander si cela pouvait être sa copine qui tentait de le joindre et si, elle aussi, avait besoin de lui. La pensée qu'elle ait pu souffrir de la situation et qu'il puisse avoir des problèmes par ma faute, me... Ah, je ne veux pas y penser !

Après avoir reçu ce fameux message hier soir, toujours prévenant, Sebastian a demandé où je souhaitais être déposée. Il était prêt à me conduire n'importe où je le désirais. Cette liberté offerte aurait pu me submerger de choix, mais au fond de moi, je savais exactement où je voulais aller. Ma réponse – pas forcément bonne – s'est imposée dans mon esprit : rentrer chez moi. La réaction de Sebastian ne s'est pas fait attendre, un léger froncement de sourcils, une hésitation fugace, il paraissait inquiet à l'idée que cela se passe mal avec Alec. J'ai tenté de le rassurer en lui rappelant qu'Alec travaille de nuit et que, par conséquent, il ne serait pas là. Il a alors respecté mon choix et m'a raccompagné en voiture jusqu'en bas de l'immeuble. Pour me rassurer et au cas où j'aurais besoin de lui à nouveau, il a sorti son téléphone portable et m'a donné son numéro avant de partir.

Lorsque je suis rentrée dans l'appartement, j'ai eu une montée d'angoisse. Cet appartement, je l'aimais tellement, il marquait pour moi un vrai renouveau, un espace fait de sérénité, d'apaisement, de confiance, et tout s'est effondré. En en faisant le leur, Alec et Marie en ont fait un lieu froid, malsain, théâtre des pires perversions. Sans réfléchir, j'ai couru dans ma chambre, me sentant noyée par l'urgence de m'éloigner de toutes ces images déchirantes. Je me suis enfermée à l'intérieur et me suis enveloppée sous les draps, espérant être assez contenue pour ne pas craquer. Loupé. Je suis restée allongée dans ce qui était notre lit, à fixer le plafond pendant des heures et à pleurer en songeant à la vie que j'ai eue, celle que je m'étais imaginée et celle que je n'aurais plus jamais.

J'ai entendu Alec rentrer du travail vers cinq heures, il est directement parti se coucher dans la chambre d'amis et je suis contente qu'il n'ait pas essayé de venir me parler, je n'en aurais clairement pas eu la force. Mais à quelques mètres de moi, il m'a semblé être à des années-lumière. C'est la première fois depuis que nous vivons ensemble que j'ai dû dormir seule, et ça me fait mal. Ce lit ne m'a jamais paru aussi grand et glacial.

Et si demainWhere stories live. Discover now