CHAPITRE II

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Décembre 2022, chambre d'hôtel à Londres.

Je me réveille en sursaut, essoufflée, le corps tout moite et les yeux embués. Mon cœur bat la chamade, résonnant dans le silence de la nuit. La sueur colle mes cheveux sur mon front, et il me faut quelques minutes pour reprendre mes esprits. C'était un cauchemar Jade, respire. Déjà 7 ans et pourtant, je continue de revivre cette nuit-là comme si c'était hier. J'aimerais que tout s'arrête et pouvoir oublier la plus grosse erreur de ma vie, mais le passé ne cesse de se répéter en permanence dans le présent.

Je pose délicatement mes mains sur l'intérieur de mes cuisses et comme une douleur fantôme, je ressens encore les fourmillements et cette sensation de brûlure intense qui s'empare d'elles. Je tente de me libérer des draps emmêlés. Mes mains tremblent alors que je me frotte les tempes, cherchant désespérément à chasser les vestiges du cauchemar qui me hante. Mon regard se pose sur Alec, endormi à mes côtés, son visage paisible. Une boule d'angoisse grossit dans ma gorge, et je me rends compte qu'une fois de plus, je ne peux pas affronter ça seule. Je décide de le réveiller, j'ai besoin qu'il me rassure, qu'il m'apaise et me protège, comme je n'ai pas su le faire moi-même ce soir-là. Il émerge lentement de son sommeil, ses yeux s'ajustant à la faible lumière de la chambre.

— Hmmm...Qu'est-ce qu'il se passe bébé ? murmure-t-il d'une voix endormie.

Les mots peinent à sortir de ma bouche, mais je lutte pour les rassembler.

— J'ai fait un cauchemar, Alec. Le même...

Ma voix s'étrangle, incapable de prononcer les mots qui réveillent des souvenirs douloureux.

—  Oh, encore ?!

— Oui « encore. »

— C'était qu'un cauchemar, arrête d'y penser. Ça va aller.

Merci du conseil Alec, autant dire à un stressé de ne pas stresser. Il se tourne brièvement vers moi. Sa main caresse rapidement mon avant-bras, une sorte de geste mécanique empreint de somnolence. Puis il se retourne, replongeant dans le sommeil, sans un mot de plus. Mon cœur se serre, une pointe de déception s'ajoute à l'angoisse persistante. Bon, plus qu'à « arrêter d'y penser, » simple non ? Je reste là, seule avec mes pensées tandis qu'il retourne paisiblement à ses rêves. Je m'enroule dans les draps, cherchant un semblant de chaleur dans leur douceur.

Alec est toujours là pour moi, mais je commence à me demander s'il ne ressent pas le fardeau de mes cauchemars récurrents. Peut-être qu'il est assez patient pour les supporter encore des années, mais peut-être qu'il se demande aussi combien de nuits il devra encore affronter mes propres démons. La culpabilité s'infiltre dans mon cœur, comme une goutte d'encre dans de l'eau claire. J'aimerais tellement pouvoir les chasser ces cauchemars, non seulement pour moi, mais aussi pour lui. Ses gestes d'apaisement, bien que minimes, me laissent dans un sentiment de solitude persistant. On dirait qu'il n'accorde qu'une importance superficielle à mes cauchemars. Je me force à regarder au-delà de ma propre douleur et à considérer sa propre façon de fonctionner et de penser.

Il semble parfois dénué d'empathie, mais au fil du temps, j'ai appris que cela ne signifie pas forcément qu'il est indifférent. Pour lui, la vie est une série de moment à relativiser. Rien n'est jamais vraiment grave, il n'accorde d'importance qu'à peu de choses, pour ne pas dire à rien. Il est le genre d'homme à ne jamais exprimer pleinement ce qu'il ressent, et à faire comme si tout allait toujours pour le mieux. Malheureusement, ça lui fait parfois défaut parce qu'à force de tout garder pour lui, il devient une véritable bombe à retardement qui lorsqu'elle atteint son paroxysme, explose et détruit tout sur son passage. L'éducation qu'il a reçu de ses parents a fait naître chez lui un énorme problème de distance émotionnelle. Aujourd'hui, il est clairement incapable d'exprimer ses émotions ou ses sentiments. Il comprime tout à l'intérieur de lui-même et arbore un masque joyeux en permanence devant les autres. Alors oui, il a une personnalité rayonnante. Alec c'est le genre d'ami qu'on veut tous avoir, le rigolo, celui qui est toujours là pour aider les autres et s'amuser, mais dans le fond, je sais que son âme est triste.

Et si demainWhere stories live. Discover now