chapitre IV

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Quelques semaines plus tard

Ça fait fait à présent presque 3 mois que je suis arrivé dans le camp et j'ai plutôt bien récupéré. J'ai retrouvé un poids normal et mes cheveux ont bien repoussé. Bref, physiquement je suis presque le même qu'avant. Mais mentalement, c'est une tout autre histoire. Bien que j'ai retrouvé un rythme de sommeil à peu près normal, je fais toujours des cauchemars. Heureusement que Manas est là. C'est devenu un vrai frère en très peu de temps et il m'aide vraiment à aller mieux. Même si c'est encore compliqué, sans lui je n'aurai même pas avancer un peu sur le chemin long et sinueux de la guérison.

On est donc lundi matin, il est 8h30 et c'est l'heure pour moi de me réveiller pour aller chez le psychiatre comme à mon habitude. Ça m'aide beaucoup, pouvoir me faire écouter sans jugement, savoir que je ne suis pas le seul à avoir vécu ces violences. Et surtout le fait de savoir qu'ils s'en sont remis. Ça me redonne un peu d'espoir, savoir que je ne suis pas un monstre et qu'à mon tour, j'arriverai à aller mieux et à m'accepter comme je suis.

Je ressors du bureau 1h30 plus tard et vais réveiller Manas en lui sautant dessus.

Sid: aller debout Manas la marmotte !

Il bougonne un peu et fini par ouvrir les yeux.

Manas : mmmhff.. tu fais chier Sid, je dormais bien là

Sid: m'en fou, lève toi !

Manas : non, va crever! C'est illégal de se lever aussi tôt

Sid: il est 10h Manas

Manas : rien à foutre. Je dors

Sid: nan, on a plein de trucs à faire aujourd'hui

Manas: mais qu'est ce que tu racontes frère?? On a rien de prévu aujourd'hui

Sid: mais bien sûr que si! Il y a les nouveaux qui arrivent ce soir, faut préparer les chambres.

Manas : ah oui merde c'est aujourd'hui.

Il se lève finalement et se prépare rapidement pour aller tout préparer pour leur arrivée.

La semaine dernière, on a découvert qu'il y avait un petit camp d'une quinzaine de résistants deux heures de route de là où nous sommes. Alors après plusieurs rencontres on a décidé de se serrer les coudes car vaut mieux être solidaire dans ce monde où nous, les gays, sommes considérés comme des monstres, persécutés, exploités et assassinés lâchement quand ils trouvent que finalement, on ne sert plus à rien.

Je ne les ai pas rencontré mais Manas y est allé et d'après lui ils sont sympas alors même si je stress un peu de rencontrer de nouvelles personnes, je n'ai pas peur et fait entièrement confiance à Manas. C'est donc pour ça que je l'ai cru sans l'ombre d'un doute quand il m'a dit que je n'avais rien à craindre et qu'ils étaient gentils.

On passe le reste de la journée à préparer les chambres et toutes les affaires dont ils pourraient avoir besoin comme des vêtements propres, de quoi se laver, manger,... Afin de les accueillir de la meilleure manière possible.

Vers 20h, une fois que tout est prêt, on part pour aller les chercher. On préfère rouler de nuit, pour passer inaperçus auprès des soldats allemands qui rôdent sur les routes dans l'espoir de nous attraper. Mais ils n'ont jamais réussi, on est beaucoup trop prudents pour sortir en plein jour et quand une expédition est organisée, tout est minutieusement préparé pour ne pas les croiser.

Je monte donc dans le camion suivis de Manas qui s'assoit à côté de moi. Il était évident que je vienne avec Manas, je ne suis pas assez à l'aise dans notre camp pour rester seul. Alors on a demandé au chef si je pouvais venir et il a accepté étant donné que j'ai plutôt bien récupéré.

Un autre homme nous accompagne, je ne le connais pas vraiment étant donné qu'à part Manas, j'évite de parler aux autres. Mais les deux s'entendent super bien et d'après le comportement de mon meilleur ami, je devine que celui ci ne le laisse pas de marbre. Le gars, dont j'ai oublié le nom démarre le véhicule et nous voilà partis pour deux heures de route afin d'aller chercher les 15 résistants et les ramener en sécurité chez nous, dans le camp de l'étoile.

Sur la route, je regarde distraitement le paysage. Au bout d'une demi heure, on passe par mon ancien village, qui a totalement été rasé. Les larmes me montent en voyant les maisons qui avant étaient si belles et pleines de vie. À présent ce ne sont plus que des ruines. On avait l'habitude d'entendre des cris d'enfants qui jouaient joyeusement dans les différents quartiers ou sur la place du village. Aujourd'hui, c'est un silence de mort qui règne dans les rues, ça me fait froid dans le dos de savoir ce que c'est devenu, ma maison n'est plus qu'un tas de débris incertains. Je prie silencieusement pour que mes parents aient réussit à fuir le village avant qu'il soit détruit car même si je sais que je pourrais probablement jamais les retrouver, je m'accroche encore à l'idée qu'ils sont encore là, quelque part, ensemble et surtout qu'ils pensent à moi. J'aime l'idée que dans ma tête, on soit encore une belle et heureuse famille aimante. Avant que je gâche tout avec mon homosexualité...

Manas à l'air de se rendre compte de mon état car il pose doucement sa main sur ma cuisse, me faisant me retourner vers lui sans prendre la peine de cacher mes larmes.

Manas: c'est chez toi hein...?

J'hoche la tête, n'arrivant pas à articuler un mot.

Manas: ne t'en veux pas pour ça.. c'est pas de ta faute Sid..

Sid: je sais.. mais,.. ça aurait pu être différent si...

Le conducteur : si t'étais hétéro..

Sid: ouais...

Le conducteur : mais on y peut rien de ça. C'est pas nous qui choisissons

Sid: si tu le dis..

Le conducteur : crois moi, aucun humain serait assez débile pour choisir consciemment de devenir quelqu'un qui attiserait la haine de cette façon.

Il me regarde et je vois dans ses yeux une douleur, la même que celle de Manas, ou la mienne. Celle qui veut dire qu'il sait ce que je ressens, que lui aussi a vécu cette horreur, et que lui aussi a perdu des gens qu'il aime. On en a tous perdu.

Et dans cet atmosphère pesant, ou tout le monde se rappelle de ses souvenirs les plus sombres. Je décide, pour la première fois de me confier à quelqu'un d'autre que Manas ou le psychiatre. De me confier à l'homme dont mon frère est tombé amoureux, à l'homme dont je ne connais toujours pas le prénom.

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Ça fait longtemps désolée. Au fait, vous pensez que c'est qui le conducteur ?

Un Amour Interdit Où les histoires vivent. Découvrez maintenant