CHAPITRE 5: ÉCOLE DES SORCIERS

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MOTUS ET BOUCHE COUSUE

- Cela fait quatre mois que l'année scolaire est commencée et votre enfant n'a toujours pas parlé à la causerie du matin. Il faut faire quelque chose.

Mon enseignante à la maternelle a fait cette demande à mes parents. À l'école, je ne m'exprimais qu'à de rares occasions. Je parlais encore moins avec mon enseignante. Pourtant, c'était totalement différent à la maison où j'étais un moulin à paroles. Mes parents ne comprenaient pas la demande de mon enseignante.

On m'a ensuite présenté à une orthopédagogue. Après quelques rencontres, elle n'avait établi aucune conclusion. En sa présence, j'étais également un verbomoteur. En classe, c'était motus et bouche cousue. Le mystère demeurait entier pour tous.

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Un jour, j'accompagnais ma mère à l'épicerie et elle a eu un premier indice. Elle ne comprenait pas pourquoi je ne répondais pas aux questions de la caissière. Le lendemain, j'ai refusé de discuter avec une voisine. Puis, ce fut en présence du curé. Mais ça, j'imagine que c'était parce qu'il avait un regard louche. Ce jour-là, ma mère a compris.

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Il existait une similitude entre toutes ces personnes. Elles étaient laides. J'étais démasqué.

À la suite de quelques semaines de conditionnement, j'ai réalisé que nous étions tous semblables. La beauté intérieure doit être plus forte que l'extérieure. J'ai fini par discuter avec mon enseignante, la voisine et la caissière de l'épicerie, sauf pour le prêtre qui me fixait toujours avec son regard louche.

INTIMIDATION

Dès la première année, je suis lentement devenu un membre du groupe des intimidés. J'ai rejoint cette bande avec autant de plaisir qu'un admirateur de Metallica dans un opéra baroque.

Dans le groupe, nous étions cinq de notre année scolaire. Quatre garçons et une fille. Sur 50 élèves, c'est beaucoup quand le chiffre magique devrait être un gros zéro.

Je m'estimais chanceux dans ma malchance puisque j'étais le moins intimidé de la bande. C'était une mince consolation.

Parmi les cinq rejetés, aucune amitié ne s'était développée. Pourtant, on aurait dû former un clan et se rebeller, mais on a préféré défendre notre place dans notre hiérarchie.

Pendant mon primaire, je n'ai eu qu'un souhait : sortir de la bande des cinq. Mon rêve d'enfant ne s'est jamais réalisé.

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J'étais loin d'être un petit gars parfait à l'école. Je pouvais être un intimidateur à mon tour. Je les accompagnais pour niaiser un membre inférieur de la bande des cinq. C'était une façon de me venger pour ce que j'endurais. Je l'avoue, c'était un raisonnement boiteux.

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Pendant plusieurs années, je me suis posé la question. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça?

Je peux comprendre que j'étais un garçon gêné qui avait de la difficulté à s'insérer dans un groupe. Au fil de temps, quelques hypothèses ont germé :

Était-ce ma fameuse coupe champignon? Ma coiffeuse avait fait tout un travail avec le bol à salades pour assurer la perfection de ma coupe.

Était-ce ma chemise avec la carte du monde?Peut-être, mais c'était fort pratique pour le cours de géographie.

Était-ce le mauvais alignement de mes dents? Un vingt-cinq cents passait entre mes dents d'en avant.

Entre la vie et la mort: le parcours d'un inconnuWhere stories live. Discover now