Chapitre 29 :

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Le château déchirait le paisible ciel bleu de ses hautes tours pointues. Quelques nuages s'accrochaient follement à ces pics, emportés par un vent meurtrier. Posée sur une colline, Ariette observait les épais boucliers magiques du bâtiment lui refuser l'entrée. À travers eux, elle percevait la présence du Darmüs, tout endolori d'être enfermé depuis de longues journées. Dans un cachot noir, sombre et humide, il souffrait. Ses ailes se déchiraient peu à peu à force de se faire écarter de cette façon.

Ariette ne retint aucunement l'épaisse colère froide qui l'attrapa au cœur. Elle la laissa enfler jusqu'à dominer tout son corps. Elle enfla tellement qu'elle sentait palpiter autour d'elle une haine infinie envers le roi. Elle attendit le retour de la nuit pour lancer une attaque pour profiter des ombres et dissimuler au mieux son arrivée. Elle savait bien que les mages la repéreraient dès son approche, néanmoins un tout petit instant de plus lui permettrait de percer les défenses magiques du château.

Tard dans les ténèbres, elle ouvrit les ailes et monta au plus haut dans le ciel. Pendant un moment, elle resta haut pour observer l'édifice de pierres blanches et finit par voir une fêlure dans le bouclier. Une faille creusait le long de la défense. Ariette piqua, son corps tout entier tendu à l'approche de sa rencontre avec les rencontres de cette magie étrangère.

Elle sentit son corps tout entier percuter le dôme. Elle s'entoura d'essence Darmüsienne pour poignarder la moindre faiblesse des magiciens du roi. Peu à peu, la faille s'agrandit jusqu'à la laisser traverser, laissant derrière elle une large faiblesse dans le bouclier. Elle reprit son équilibre après cette rencontre et se posa près du pont du château. Des sentinelles attrapaient déjà les armes et un cor résonna pour alerter tous les habitants de l'attaque. Aucune peur ne vint l'envahir, au contraire, un engourdissement de pure joie y répondit. Toute entourée de magie de ténèbres, elle avança dans la direction du bâtiment.

Les flèches qui arrivèrent dans sa direction furent brûlées par sa magie protectrice. Même les mages hésitèrent un court instant avant de l'attaquer avec des sorts pernicieux. Néanmoins, aucun d'eux ne parvint à déstabiliser sa protection. Au fur et à mesure de son avancée tranquille vers le pont-levis, ce dernier s'ouvrit pour vomir des chevaliers en armure devant elle. Bénis par les mages d'un bouclier de protection magique, ils calmèrent leurs chevaux de tendres caresses avant de se lancer au galop dans sa direction.

Malheureusement pour eux, ils étaient complètement impuissants face à elle. Ariette fit un mouvement vers le chevalier qui menait l'attaque, sa magie se précipita vers ce dernier et envahit tout entier son armure. Un feu noir et immatériel le dévora tout entier. Le hennissement du cheval ainsi que les hurlements de l'homme déchirèrent l'espèce de silence de mort qui régnait.

Ensuite, la jeune femme attrapa la bride de l'étalon. D'un coup de bras, elle rejeta le garde à terre et éteignit le feu qui dévorait l'animal. Elle insuffla sa magie dans la bête qui se métamorphosa d'un coup. Des crocs lui poussèrent dans la gueule, ainsi que des griffes aux sabots. Sa robe se teignit de noir. Ariette repoussa ses autres assaillants de quelques attaques bien placés. Enfin, sa créature se tenait prête à s'en prendre aux siens.

Il fumait de la lueur malveillante de la vengeance. Ariette bondit d'un bond tandis que la bête se jetait contre ses anciens congénères pour les dévorer. Près d'une dizaine de cavaliers en armure les encerclaient désormais, protégés par des mages sur les hauteurs. La Darmüs observa les hauteurs sur lesquels se trouvaient les sorciers. Puis, elle lança un sort dans leur direction pour exploser les murailles du château tout en comptant sur la bête nouvellement créée pour la protéger des attaques des chevaliers.

Une partie de la muraille explosa et propulsa des gravats partout sur le pont-levis, heureusement, des mages avaient amorti une large partie du sort grâce à leur magie. Mais, le temps qu'ils se remettent en formation, Ariette était sur eux en un battement d'elle. Une main griffue tendue, prête à déchiqueter le coup d'un mage tombé à terre. Il leva un faible bouclier magique pour se protéger, c'était peine perdue. La jeune femme le sentit faiblir alors que ses griffes s'enfonçaient dans la gorge fragile de son vis-à-vis. Le sang jaillit, éclaboussa les alentours et brilla sous la lueur cruelle de la lune.

Une folie attrapa son esprit, l'enserra de la beauté du meurtre et l'enjoignit à continuer. Elle ronronnait contre ses dernières réticences. Son souffle s'accéléra soudainement alors qu'elle se rendait compte qu'elle se métamorphosait en véritable monstre. Un premier meurtre, qu'est-ce cela quand plein d'autres attendent la même destinée ? Et puis, veux-tu vraiment leur laisser une chance ? Ils sont ceux qui t'ont abandonné il y a quelques mois, se réjouissant qu'ils ne soient pas à ta place.

Elle pousse un grognement, se tourne vers un autre mage à l'air effrayé. Ce dernier n'a pas le temps de se défendre qu'il meure entre ses griffes sournoises. Sous la lune et les étoiles, peu à peu, la voilà qui détruit toutes les forces du château. Ils gémissent, ou supplient. Plongée dans sa haine et sa colère, Ariette n'accorde aucune importance à leurs mots.

Finalement, le silence finit par revenir après qu'elle ait tué ceux qui s'opposaient à elle. Enfin, elle se dirige vers les portes du château et marche dans des couloirs vides et silencieux. Sur le chemin, elle croise quelques pleutres qui gémissent pour leur vie. Ariette l'attrape de sa queue et lui demande :

—Où est le Darmüs ?

Il étouffe, lève les mains vers sa queue, elle le serre plus fort en menace. Puis, il lui fait signe :

—Je vous dirais tout ... !

Elle desserre son étreinte et il reprit aussitôt la parole :

—Dans les cachots ! Il est dans les cachots !

La jeune femme lève la tête, elle se concentre un moment sur ses sens et les sentiments du Darmüs. Il devrait lui sembler proche, à portée de main, alors, pourquoi paraissait-il si éloigné d'elle dans le même cas ? Lui avait-on passé un objet magique pour dissimuler sa présence ?

Elle ne se pose pas plus de questions et descend les obscurs escaliers qui mènent aux profondeurs du château tout en traînant son prisonnier derrière elle. Elle ressent la familière présence se rapprocher d'elle plus qu'elle défile entre les cellules. Finalement, elle parvient au bout d'un long couloir aux gardes effrayés par elle. Personne n'ose l'attaque, certainement pas après les terribles bruits d'explosions et d'hurlements qui leur sont parvenus.

Une porte immense se dresse devant elle. Entourée de milliers de protections magiques, elle ressent toutefois une âme qu'elle connaît plutôt bien. Elle lève une main et projette sa magie contre les enchantements apposés au bois. Le combat est unilatéral, elle est beaucoup plus puissante que tous les mages qui y ont posé un peu de leur essence.

Elle ouvre, observe la pièce ronde au centre de laquelle un homme aux cheveux noirs et aux immenses ailes de chauve-souris lève la tête pour la regarder. Elle reconnaît sans mal ses yeux dorés, mais pas le rire qui monte de sa poitrine et encore moins la voix de corbeau qui initie la conversation :

—Il t'a enfin trouvé ... ! Il t'a trouvé ! Tu es là !

Il s'étouffe dans son croassement, ses yeux brillent tellement de bonheur qu'Ariette ignore comment elle doit réagir face à cet inconnu qu'elle semble connaître.  

Coeur d'Or (Seconde Version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant