11. Valeurs et strict minimum

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Quand je repose mon téléphone sur le canapé, j'écope d'une œillade assassine de la part de Pénéloppe, avec qui je passe une tranquille soirée télé chez moi.

— Quoi ?! je m'écrie, sur la défensive.

— C'est Arthur, pas vrai ? Pourquoi tu ne lui réponds pas ?

— J'essaie de me concentrer sur le film ! fais-je en désignant le grand écran.

Le sourcil de mon amie s'arque, en signe que si c'est à cela que je veux jouer, elle fait tapis. Alliant l'acte à la parole, elle appuie sur « pause », pivote sur sa jambe pliée et me confronte :

— Qu'est-ce qu'il a écrit pour que tu aies une pareille réaction de fuite ? Je peine à te suivre, tu sais... Il y a trois semaines, tu étais aux anges de le côtoyer, tu le décrivais comme le parfait futur petit ami.

Je soupire, un désagréable pincement au cœur lorsque je visualise le visage d'Arthur.

— Il l'est, murmuré-je. Je ne lui trouve pas de défaut. C'est un homme beau, gentil, un bon communicateur, il me fait rire et m'épaule mieux que ma psychologue. Je l'intéresse, il me l'a fait savoir, et quand je lui ai dit avoir besoin de temps, il m'a répondu « aucun souci, mais si tu es d'accord je vais rester dans tes parages et je vais t'attendre, hors de question de passer à côté d'une femme aussi extraordinaire que toi. ».

Les cils de Pénéloppe papillonnent et son air incrédule et inquisiteur à la fois ne s'efface pas lorsqu'elle demande où est le problème. Lucide, je murmure :

— Il n'y en a pas, si ce n'est moi.

— Si tu me dis qu'il est trop gentil, et que tu me sors la théorie fumeuse de Clément sur le fait d'être « trop acquis » et de « perdre en valeur », j'appelle Sarah pour qu'elle te tape !

— Et l'arracher à son premier rencard depuis des lustres ? Quelle mauvaise amie tu ferais.

Je souris un instant en repensant à une nuit passée avec Sarah sur les applications de rencontre. Elle avait le contrôle de mon téléphone et likait ou jetait les hommes avec une vitesse déconcertante. Sa mission était de sélectionner ceux qui pouvaient me plaire mais ses goûts l'emportaient souvent, ce qui a donné lieu à mon plus gros fourire depuis la maudite date du vingt-et-un juillet.

Pénéloppe fait exploser la bulle candide de ce souvenir heureux :

— Ne détourne pas le sujet, Cléo. Qu'est-ce qu'il t'a écrit, là, Arthur ?

Pour toute réponse, je lui tends mon portable. Elle lit à voix haute :

— « Wah, tu es géniale... ».

Elle écarte les mains et fronce les sourcils, sidérée :

— En quoi c'est pas bien ? Il est adorable. Tu l'as fait rire et il te fait un compliment. Il t'en fait trop c'est ça ? Alors dis-lui, même si je ne vois pas en quoi c'est dérangeant...

— Ça me bloque, c'est tout. Arthur, Paul, mes premiers dates... Ils disent tous que je suis fantastique, que je suis différente, que je suis une femme incroyable, pleine de surprises, pleine de qualités, qu'on en rencontre pas mille comme moi.

Pénéloppe acquiesce, en validation à ces propos que je la sais partager, mais croise ses graciles bras en attente de la suite :

— Et... ?

J'inspire profondément avant d'articuler, d'une voix cassée :

— Si c'est vrai, alors pourquoi Maxime s'est barré hein ? Pourquoi, si je suis si géniale que ça, il n'a suffi que d'une pauvre gamine pour le convaincre de renoncer à moi ? J'ai rien de rarissime, Pen'. Sinon il aurait eu une meilleure résistance. Il se serait battu pour nous. Au lieu de quoi, il a cédé à la première meuf qui lui a fait des avances.

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