Chapitre 12 Carter, un parking et des larmes.

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- Ça fait 14 minutes qu'elle est sortie.

Watch me jette un regard et me donne un signe de tête en direction de la porte. Je reste figé et pèse mentalement le pour et le contre pour aller rejoindre Ivy.

C'est à toi d'y aller, mec, c'est toi le chef de file !

- Cart ?

La voix de Purple me sort du silence. Je me lève et rajuste le col de mon tee-shirt dans un geste nerveux. Mon regard croise le sien et elle cligne des yeux en signe d'encouragement.

- J'y vais, je reviens.

- Avec elle hein !

Je me tourne vers Grumpy en lui lançant un regard d'incompréhension.

- Reviens avec elle !

- Ah, oui, oui, j'avais compris.

Il marmonne un « abruti » en se servant un café, je fronce le regard et me dirige vers la porte.

- Bossez sur vos lettres en attendant.

Joystick rigole à ma réflexion.

- Oui, monsieur on va être sages et faire nos devoirs !

***************

La nuit est déjà tombée et mon cœur se serre en avançant dans le couloir. Dans quel état je vais la retrouver ? Est-ce qu'elle est toujours là où a-t-elle préféré partir ? Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? Toutes ces questions à la con que jamais, je ne me suis posées depuis maintenant deux ans que j'anime l'atelier. D'habitude, c'est assez simple pour moi de trouver les mots, les gestes, les silences avec les participants.

Quand je suis ici, je suis le mec accessible et sûr de lui, quand je suis dans ma simple vie, je suis le gars distant et pas à l'aise avec les relations sociales. Parfois, j'ai l'impression d'avoir une double vie, mais jusqu'à présent, les frontières étaient bien définies, et puis elle est arrivée... C'est complètement con, elle n'a absolument rien fait. Je vois bien qu'elle n'a pas cherché à provoquer ça en moi, elle est juste là et moi je suis juste attiré comme un aimant par sa présence. C'est insensé.

Le parking est plongé dans l'obscurité, je balaye les voitures du regard, la sienne est encore là. Je descends rapidement les quelques marches et traverse l'étendue pour me retrouver au stop qui donne sur la grande rue. Elle est là, elle fait les 100 pas sur le trottoir, les mains dans les poches de sa veste. Ses yeux fixent le sol, elle ne m'a pas entendu arriver. Je m'assois sur le muret qui longe la route et je l'observe.

La brune est d'une simplicité déconcertante, elle est belle sans rien faire, c'est fascinant. Elle porte un jean bleu clair avec un tee-shirt à l'effigie des Salt Lake Bees*, ce qui me tire un sourire.

C'était notre équipe préférée à travers tout l'état, on n'a jamais loupé aucun de leur matchs, depuis que nous étions mômes. Mais moi depuis quatre ans, je n'ai plus jamais assisté à un seul match de baseball.

Le Dr Murphy te dirait que c'est un signe ça...

Elle semble être en pilote automatique, elle marche et re-marche dans un sens puis dans l'autre. On dirait qu'elle ne se rend absolument pas compte que son attitude montre plus que ce qu'elle laisse transparaître aux autres.

- Devenski* ou Holder*?

Elle se stop net et continue de scruter le béton devant elle. Elle renifle bruyamment, signe des larmes qu'elle vient de verser. Un instant passe et je ne suis pas sûr qu'elle va me répondre.

- Jones*!

Je m'esclaffe sans pouvoir me retenir, cette nana me tue. Le temps s'envole, suspendu, elle ne bouge pas. L'instant d'après, sa tête se relève lentement vers moi et ses yeux s'accrochent aux miens.

- Les lanceurs ont la vie trop facile dans le jeu, les matchs se gagnent grâce aux receveurs.

J'incline la tête pour lui montrer que ça se tient et lui sourit timidement.

- Tu veux en parler ?

Elle efface ses larmes avec la paume de sa main et vient me rejoindre. Elle s'arrête à un mètre de moi, sa main retrouve sa poche.

- De ma théorie sur les receveurs ?

- Entre autres ! Mais j'avoue que ta théorie tient la route.

Elle soulève ses épaules en me souriant et se tourne pour regarder la rue sur sa droite. Au loin, le feu tricolore passe au rouge, nous fixons tous les deux le point lumineux.

- Il n'y a pas grand-chose à dire !

- Ou alors peut-être que tu ne sais pas par où commencer !

Elle sourit, le regard perdu. Le feu repasse au vert et vient éclairer son visage. Je me lève et vais me placer derrière elle. Ses cheveux volent autour d'elle. Une odeur d'amande me parvient et je retiens mon souffle. Elle inspire un grand coup et ma main reste en suspens au-dessus de sa hanche.

Tu peux m'expliquer à quoi tu joues, espèce d'abruti ?

- Il y aurait tellement à dire et en même temps tellement rien de bien intéressant.

- Parfois, il faut accepter de se laisser du temps.

- Et si je n'accepte pas ?

Mon bras vient l'entourer et ma main repose sur son bras. Son dos se colle instantanément à mon torse et je respire ses cheveux en fermant les yeux. A cet instant, je le sais, elle et moi ont est deux pièces d'un même puzzle qui viennent de se trouver, c'est tellement évident que les secondes s'étirent en minutes. Nous ne bougeons plus, même les nuages au dessus de nos têtes ont cessés d'avancer.

- Seul le temps t'apportera la paix.

Mon cœur loupe un battement et mes yeux se pressent entre eux.

Le temps n'a jamais pu me venir en aide, au contraire il m'a englouti. Mais ça, je ne peux pas le lui dire, pas là, pas maintenant.

*équipe de baseball de l'Utah
** lanceurs phares de l'équipe
* receveur de l'équipe

STORM, Silver RideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant