29 - Confidences

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― Non, Rémy ne sait rien. Il est humain. Très intelligent, passionné d'histoires fantastiques et loufoques, mais bien humain.

J'acquiesçai en souriant et demandai encore :

― Ça fait combien d'années que tu vis toute seule ?

― Cinq ans, à peu près, répondit elle après une courte hésitation.

― Comment tu fais pour payer ton loyer ? Tu veux venir loger ici ?

L'idée saugrenue qu'elle puisse vivre dans une grotte dans la forêt, tel un animal traqué, m'effleura un instant, mais elle me rassura :

― J'ai un petit job en dehors des cours. Tu n'avais pas remarqué ?

― Oh, mais oui, à la bibliothèque. C'est ça ?

Elle hocha la tête.

― C'est assez précaire et pas cher payé, mais ça suffit pour me louer une petite chambre.

Voyant que son histoire l'affectait plus et plus longtemps que ce qu'elle voulait bien admettre, je la laissai quelques instants pour se remettre de ses émotions en allant nettoyer les verres dans la cuisine.

Moi-même, j'étais quand même assez bouleversé par tout ça.

Après les sirènes, les métamorphes ! Mon père m'en avait bien parlé brièvement, mais ça n'avait rien à voir avec la proportion que cela prenait dans ma vie aujourd'hui. Leur existence, de théorique qu'elle était, devenait subitement réelle et palpable. Visible à travers la transformation spectaculaire de mon amie quelques minutes plus tôt.

Qu'Elya soit une métamorphe, c'était à la fois grisant et assez angoissant. Cela ouvrait des perspectives sur un monde encore plus vaste, mystérieux, merveilleux, mais aussi dangereux, avec des êtres vivants à l'insu des humains ; j'en prenais davantage conscience en cet instant. Et l'idée de n'avoir mis qu'un tout petit pied dans ce monde immense et insoupçonné me donna le vertige pendant quelques secondes.

Elya commença à me poser des questions sur ma propre expérience, me sortant du tourbillon de mes pensées, et je revins m'asseoir près d'elle en chassant mes peurs pour me focaliser de nouveau sur le présent, plutôt que sur un futur tellement incertain. 

Tout y passa. La noyade causée par cet idiot de Logan (ce qui la mit en rage quelques secondes), puis la première transformation, et enfin la pleine lune.

― Eh bien, on peut dire que ta vie est plus qu'agitée, depuis quelques temps ! remarqua mon amie en sifflant entre ses dents.

― Je m'en passerais bien ! m'exclamai-je, amère.

― Je comprends, fit-elle plus doucement.

― Mais ça fait beaucoup de bien de pouvoir en parler avec quelqu'un. Pas toi ?

― C'est clair !

Son grand sourire et ses yeux soudain pétillants apaisèrent tout de suite mon amertume passagère. Sans mauvais jeu de mots,elle avait repris du poil de la bête, le temps de mon passage en cuisine.

― Depuis cinq ans, tu n'as parlé de ça à personne ? m'enquis-je alors, en songeant que, malgré son âge un peu plus avancé que le mien, elle était loin des siens depuis tout ce temps, alors que moi j'avais mon père...

― Personne, soupira-t-elle. Les seuls qui vivent parmi les humains et qui pourraient éventuellement comprendre un peu, ce sont les mages. Mais, franchement... J'en ai croisé quelques-uns, et ça ne m'a pas donné envie du tout !

Intriguée, faisant taire cette petitevoix intérieure qui venait de nouveau me susurrer la peur de l'inconnu abyssalconcernant une nouvelle sorte d'êtres magiques, je l'interrogeai encore :

― Qu'est-ce qu'ils ont de particulier, ces mages ?

― Ils prennent de haut toutes les autres espèces. Comme s'ils étaient les rois de la terre, les plus beaux et les plus puissants, répondit-elle en roulant des yeux dégoutés.

Je ris doucement, ce qui la surprit, et je lui expliquai le fond de ma pensée :

― J'ai l'impression que chaque espèce tient ce langage sans vraiment connaître les autres. Je me trompe ?

― C'est bien possible, soupira-t-elle en haussant les épaules. Je n'en sais rien.

Elle laissa passer un petit silence avant de continuer :

― Est-ce que tu sais qu'à une époque lointaine toutes les espèces, y compris les humains, vivaient en parfaite harmonie ?

― J'en ai entendu parler, répondis-je en ayant une pensée pour celle qui m'en avait touché un mot, au fin fond de l'océan. Mais je ne sais pas ce qu'il s'est passé pour qu'on en arrive là aujourd'hui.

― D'après l'Histoire de mon clan, il y a eu un conflit de pouvoirs qui a tout fait basculer. Je ne me souviens plus des détails, mais je sais que ça a conclu à un pacte magique signé par tous les dirigeants de chaque espèce de l'époque, interdisant les mélanges pour préserver la paix. Ou en tout cas pour éviter qu'une espèce prenne le pouvoir sur les autres, et ce genre de choses.

J'essayai un instant d'imaginer la vie sans frontières entres les différentes espèces : les humains, les mages, les métamorphes, les sirènes, et bien d'autres encore, vivant tranquillement dans des endroits identiques. Je souris en imaginant des métas loups tels qu'Elya se balader tranquillement dans la rue, salués sympathiquement par une fée voletant à quelques centimètres du sol.

Je me repris et soupirai :

― D'où le fait que plus personne ne connaisse les autres maintenant, et que les humains aient oublié même l'existence des espèces différentes de la leur...

― C'était voulu, d'après ce que j'ai compris. Concernant les humains, en tout cas. Ils se sentaient inférieurs à cause de l'absence de capacité extraordinaire, cela créait encore d'autres conflits.

Après un court silence, je fixai mon amie avec un sourire en coin.  La curiosité était cette fois plus forte que toutes mescraintes ; je lui demandai malicieusement :

― Tu veux bien me montrer tes différentes formes animales ?


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Hello mes petits poissons dorés ! 😁❤️

Bon, désolée pour ces  chapitres avec plein de blabla, j'espère que ça ne vous endort pas trop ?

Je me rends compte qu'il y a encore plusieurs chapitres explicatifs de la sortes, ensuite... Je vais peut-être réfléchir à une petite scène d'action/tension à inclure dedans, ça équilibrera un peu le tout. 😅

Et sinon, qu'est-ce que vous pensez d'Elya ? 

BLEU océan (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant