Mise en concurrence

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J'enrage ! Il nous laisse une nuit complète à patienter, tout ça pour ça ? Je jure que si je n'avais pas besoin de lui, je trancherais la tête à ce gougnafier. Et qu'on ne me parle plus de Réva ! Je n'ai pas parcouru tout ce chemin, enduré ces poèmes, cette crasse et ce mépris pour me voir refuser la couronne. Qu'aurait ce crétin du sud de plus que moi ? Il croit pouvoir gagner les faveurs de ce Carolius en usant des charmes de son émissaire ? S'ils pensent me duper et faire leurs comptes sans moi, ils se mettent le doigt dans l'œil, et bien profond ! C'est grâce à moi qu'Aector à été capturé, qu'ils ne l'oublient pas ! Mais je vois clair dans leur jeu. Ils me mettent de côté uniquement parce que je suis un elfe. Ah, mes loustics, ça ne se passera pas comme ça. Vous avez raison de vous méfier de ma race et vous auriez tort de nous sous-estimer, car j'ai bien l'intention de jouer les trouble-fête.

Je prends conscience que vous n'avez pas tout suivi. Il me serait possible de ne pas vous retranscrire cette bouffonnerie, mais alors, qui retiendrait qu'ils ont cherché à nous duper ? Ce sera écrit noir sur blanc, pour attester de la fourberie des oreilles plates face à ceux de mon peuple !

– Bonjour à vous, s'est-il adressé à nous au réveil. La nuit porte conseil, comme vous le savez. Elle m'a surtout permis de prendre une décision éclairée pour le bien du Royaume. La couronne n'est pas sécable et le pouvoir ne se partage pas. Ces terres inhospitalières ont besoin d'un maître, qui sache quelle direction prendre et sois en mesure de l'imposer aux autres. La discordance dans le commandement serait assurément néfaste. Pour toutes ces raisons, et au nom de notre monarque, je ne peux accéder à chacune de vos requêtes. Le Royaume Étêté, terres à la fois d'opportunité et de danger, a toujours représenté un bastion d'espoir pour notre Cité. Un jour, il fera partie intégrante de notre pays. À l'inverse, le duché méridional, sous la tutelle du Credas, est d'ores et déjà un territoire de la couronne, et son économie est vital pour les projets de développement que nous nourrissons. Vous l'aurez compris, il va de soi que le roi ne peut se départir de tant de régions. Un choix doit être fait. Car un tel trophée, une pareille prise ne saurait pas ne point être récompensée. Il faut encourager la loyauté. Reste à savoir quel parti est le plus honorable. Qui, entre le duc Philippe et le sylvain Ëlyias, apportera les meilleurs gages de fidélité ? Ce soir, je rendrai ma décision pour savoir qui gouvernera. Et qui...
– S'en mordra les doigts, ai-je conclu.
– Ne le prenez pas comme ça. Régner n'est pas le seul moyen d'influer. Je suis sûr que le roi apprécierait d'avoir un conseiller de la sylve à son service.
– Une telle responsabilité, votre éminence, cela doit constituer un véritable fardeau, est ensuite entrée en jeu la comtesse, d'une voix suave. Laissez-moi vous alléger d'une partie de ce poids.
– Réva ! n'ai-je pu m'empêcher de me révolter.
– Qu'est-ce qu'il y a, mon mignon, tu croyais que c'était le grand amour ?
– Cessez donc votre jeu, tous les deux. Apportez-moi de solides gages de loyauté, et j'étudierai votre candidature. En attendant, vous pouvez disposer. Et comtesse... je vous attends dans ma chambre pour recevoir votre proposition.

N'est-ce pas une blague ? Cette catin va se contenter de se dénuder et obtenir la fêve. Je n'imaginais pas les hommes aussi corrompus, les voilà pires que ce que je croyais possible. Pour autant, il n'est pas envisageable que le trône m'échappe. Il me faut cette légitimité, ce vulgaire bout de métal sur la tête, si je veux commander face à l'envahisseur. Les esprits des forêts immémoriales savent à quel point cela est crucial. Mais les autres races ne daigneront jamais obéir et s'allier à un sylvestre. À moins qu'il n'ait été choisi pour régner. Oh, je ne me laisserai pas piétiner. Ce pouvoir, je l'acquerrai de gré ou de force !

L'après-midi touche à sa fin. Tout est paré. J'ai fait parvenir mes vœux au maire du palais. C'est la méthode douce, et j'espère qu'il entendra raison. Maintenant, qu'il s'entête à me dédaigner, et mes elfes seront au rendez-vous. Ils ont eu leurs consignes. Quoi qu'il advienne, je deviendrai roi. Prenons désormais acte de sa décision. J'espère que ce sera la bonne...

La Compagnie d'AectorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant