L'église Notre-Dame-la-Grande est un joyau d'art roman. Minutieusement sculptée, la façade illustre les pages de la Bible. Au Moyen Âge, elle était peinte de diverses couleurs ! Rhonda et Léon marchaient en silence entre les piliers décorés de motifs géométriques colorés. Devant le chœur, ils levèrent le nez et prirent le temps de regarder une peinture dont Léon comprit très vite qu'elle avait été inspirée par l'Apocalypse : une Vierge à l'Enfant était représentée dans une mandorle. Sur la voûte, un Christ en majesté. On distinguait également un Agneau Mystique représenté dans un cercle.
La majesté des lieux leur ôta la parole pendant un certain temps. Main dans la main, ils prirent la rue du Marché Notre-Dame et s'acheminèrent tranquillement vers le parc de Blossac. Léon se sentait très heureux.
Après qu'ils se furent assis devant le lac artificiel et eurent déblatéré des banalités, ils partagèrent un baiser langoureux qui rendit Léon fou de désir. Il lui plaqua une main dans le dos, se mit à lui pétrir un sein, ses doigts sautèrent dans ses cheveux, il aurait voulu être doté de cent bras comme les Hécatonchires de façon à pouvoir être sur elle partout à la fois. Mais elle le repoussa.
— Moi aussi, j'ai une histoire à te raconter, dit-elle. S'il te plaît, concentre-toi un peu.
— Je me fais une joie.
— La tour continuait de tenir debout. Mais le roi avait eu tort d'afficher une telle certitude qu'elle ne s'écroulerait jamais.
« Un jour, on vit sa reine sortir de la tour, dans un char décoré de vignes, tiré par des panthères. À ses côtés, Dionysos drapé dans un manteau de couleur pourpre et une peau de chèvre noire autour du cou. Autour d'eux, formant le cortège dionysiaque, un groupe de satyres, de Ménades, de boucs, d'ânes. Complètement ivre et précédé par un ventre énorme, le vieux Silène fermait la marche.
« Tous ceux qui s'étaient juré de détruire la tour se frottèrent alors les mains. N'écoutant que leur haine inextinguible, ils s'attaquèrent tous en même temps à l'édifice qui fut aussitôt pris dans un entremêlement de cyclones, couvert d'excréments et arrosé de pluies toxiques.
« Les attaquants mirent une telle hâte à salir, dégrader et secouer la tour que plusieurs vautours, transpercés par les gouttes toxiques et emportés par les tourbillons, y laissèrent la vie. L'un d'eux s'appelait Braquemard. Un peu plus malin que les autres, il eut l'idée de regarder dans le lock-out, — une petite pièce entièrement vitrée construite sur le toit et qui, baignée de lumière, offrait une vue plongeante sur la plaine.
« Il remarqua alors qu'elle était occupée par une magnifique jeune fille. Elle portait de très élégantes lunettes. Telles des brioches à l'instant sorties du four, ses joues étaient à croquer. Les proportions appétissantes de sa poitrine évoquaient les inoubliables portraits de l'art pompier. Seul un décolleté à épaules dénudées aurait pu lui rendre justice, — et l'on sait que beaucoup de jeunes femmes au décolleté trop osseux sont réticentes à se vêtir de la sorte, craignant que leurs salières n'éloignent d'elles les regards masculins et ne leur attirent les moqueries de leurs amies. Il se dégageait de sa taille de guêpe et de son derrière galbé quelque chose d'animal et de distingué à la fois, — on percevait chez elle une vive sensualité combinée à un grande pudeur, et ce mélange détonant était propre à rendre fou n'importe quel homme.
« Braquemard comprit alors qu'il était inutile de s'acharner. " Allons-nous-en, ordonna-t-il aux volatiles qui avaient survécu. Cette tour est plus solide encore que par le passé. ˮ
« Les nuages et les cyclones comprirent eux aussi qu'il était temps de disparaître.
« Il restait bien sûr dans le royaume de nombreux grincheux et autres frustrés. Regardant la tour d'un œil mauvais, ils appelaient de leurs vœux qu'elle s'écroulât un jour. Le soleil se mit alors à briller sur la plaine d'un éclat inhabituel. Des arbres poussèrent, des sources jaillirent, les femmes redevinrent fécondes.
« Le peuple comprit qu'il s'était trompé du tout au tout. Cette tour n'était pas là pour les narguer : elle était la garante de leur bonheur. Tant qu'elle resterait debout, on pouvait conserver espoir en l'humanité.
Au fur et à mesure qu'elle racontait son histoire, Léon s'était rembruni. Nul ne pouvait s'y tromper en entendant décrire cette jeune fille aux lunettes stylées, aux bonnes joues, au derrière galbé et à la poitrine incroyable. Il venait de comprendre que Rhonda et Mélodie s'étaient rencontrées à son insu.
— Que cherches-tu à me dire ?
— J'ai longuement réfléchi. Cette meuf est un canon, tu peux pas le nier. Elle réunit toutes les qualités pour rendre heureux un garçon comme toi : obstinée, d'une fidélité absolue, divinement belle, l'esprit aiguisé, du répondant, — sportive, également, j'ai pu m'en rendre compte car elle a de très bons réflexes, c'est le genre de fille capable de te retourner une baffe si tu te montres trop entreprenant avec elle, et je sais que c'est pas pour te déplaire, tu sembles aimer les personnalités affirmées... O.K., elle se cherche encore mais elle a un sacré potentiel.
— T'es en train de faire de la pub pour Mélodie ?
— Elle le mérite...
— Explique-toi, dit Léon. Je n'aime pas les sous-entendus.
— C'est fini entre nous, Léon. C'est cette fille qu'il te faut, pas moi. Il est temps que tu le comprennes. Ne gâche pas tout, va t'excuser auprès d'elle et soyez heureux...
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Comment devenir une star
Short StoryIl s'appelle Léon, il est romantique et les filles des boîtes de nuit ne veulent pas de lui. Il ne rêve que bague au doigt et relation de longue durée alors qu'elles veulent s'amuser. Elle s'appelle Mélodie, c'est une fille très (trop) sérieuse et i...