~ Chapitre 24 ~

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Grace Watson.

J'ai passé de longues semaines à chercher désespérément une nouvelle passion, un nouvel avenir. Ma conversation avec le proviseur de la THS m'avait redonné le peu d'espoir qu'il me manquait pour ne pas sombrer dans une triste vie maussade. Gabriella a essayé de m'enseigner le piano, le violon et le chant mais c'était peine perdue, le seul endroit où je pourrais exercer mon côté musical reste la douche... Ou une pièce aux murs insonorisés. Je n'ai même pas voulu retourner dans la serre pour m'initier au jardinage, Lucie m'a formellement interdit d'y remettre les pieds après les catastrophes que j'y ai produit. Quand à Marion, je suis toujours entrain de lui rembourser l'appareil photo dernier cri que j'ai fais tomber dans le fleuve Hudson en économisant mes petits revenus de serveuse dans un bar principalement fréquenté par des ivrognes dépassant tous 40 ans et essayant d'oublier leur pauvre vie ratée dans d'innombrables verres de vodka. Je suis également une piètre nageuse, Adam m'a dit entre deux explosions de rire que le chihuahua de sa grand-mère faisait mieux la brasse que moi... Et côté dessin, Ethan m'a félicité pour mes bonhommes bâtons qui sont apparemment digne des élèves les plus doués des enfants entre 2 et 3 ans.

En claire, je suis nulle en absolument tous les domaines qui m'ont été donné d'étudier. Je commence déjà à avoir des images de moi, a 30 ans, dans un appartement piteux, entourée de chats et allant tous les jours manger aux Restos du coeur et travaillant à mi-temps dans une cantine de lycée, à servir des petits pois décongelés.

J'étais si proche de l'objectif que je m'étais fixé : sortir diplômée de la Talent Hight School, aller étudier dans l'école de mes rêves, la prestigieuse école de danse de Manhattan, devenir une ballerine renommée, danser dans les plus grands chefs-d'œuvres de danse et une fois trop âgée pour continuer ma carrière, je donnerais des cours. Je nourrissais ce rêve, je travaillais tellement fort pour pouvoir y arriver, tout était déjà planifié pour que je puisses vivre la vie dont je rêve depuis que je suis toute petite. Comment une toute petite faille dans mon programme peut-elle tout détruire ? C'est impossible... Je ne peux pas croire que pendant toutes ces années j'ai dansé jusqu'à m'en tordre les pieds, répéter jusqu'à m'en torturer l'esprit, mémoriser chaque pas des plus grandes chorégraphies du monde... tout ça pour rien. Tout ça pour me retrouver sans passion, sans rien à me raccrocher pour survivre et rendre la vie supportable.

Parfois je me réveille et je me dis que tout ça n'était qu'un cauchemar et que je vais reprendre une vie normale. Pendant un certain temps j'ai eu des envies très fortes d'étrangler Alison Lewis, qui elle, a tout ce qu'elle veut, et qui pourtant a ressentit le besoin et le plaisir de me pourrir ma vie à moi. Si j'avais le coeur un peu plus sage et plus pur, je me demanderais peut être comment une personne peut avoir autant d'ombre dans son esprit, comment une personne peut être aussi détestable. Mais je n'ai même pas envie de comprendre. Depuis plusieurs mois je ne ressens que de la colère et un profond vide. J'ai parfois des minuscules lueurs d'espoir... Mais rien d'assez puissant pour effacer cette haine qui me ronge. C'est comme froisser une feuille de papier et essayer de la lisser pour qu'elle redevienne parfaite. On peut la lisser autant qu'on veut, ce sera toujours mieux mais jamais assez.

J'ai l'impression qu'on m'a enlevé tout le bon qu'il y avait en moi, je suis juste bonne à rester allongée sur le canapé d'Adam et à manger des grosses cuillères de beurre de cacahuète.

- T'as trouvé du beurre de cacahuète ? s'étonne Adam en me voyant m'empiffrer.

- Mmm... répondis-je les yeux dans le vague.

- Grace... soupire-t-il.

Je soupire à mon tour et je me tourne vers lui. Il s'assoit à côté de moi et me regarde d'un air absent. J'étais certaine d'avoir droit à un monologue comme quoi je vaux mieux que ça, que je dois me ressaisir et bla bla bla et bla bla bla... Le genre de truc qu'on dit à quelqu'un qu'on apprécie un temps soit peu et qui pense que ça vie est foutue. Dans mon cas, j'ai raison. Mais, ce n'est pas son genre les jolis discours, alors il se résigne.

Best FriendsWhere stories live. Discover now