The Breach (Sous contrat d'édition)

Chapitre 4 : Raphaëlle

10:37/ Le Valkyrie/ Place centrale

L'inactivité m'est insupportable. Le flottement qui précède l'action, ce moment où l'attente vous bouffe de l'intérieur et que l'appréhension montante resserre ses griffes autour de vous. Non vraiment, rester assise ne serait-ce que dix minutes est au dessus de mes forces. Je fais craquer mes doigts nerveusement, passe une main sur ma nuque, regarde autour de moi en espérant que les minutes passent plus rapidement. Rodrilan termine enfin son discours dégoulinant de bons sentiments. Klaas fait semblant de l'apprécier, mais tout le monde sait que le président et l'instructeur se haïssent. Comme quoi, on peut confier le gouvernement à des gamins. Je roule des yeux, c'est inutile, long et profondément ennuyeux. Rodrilan s'écarte du micro, torse bombé et ventre rentré.

A présent, les groupes doivent se rendre un par un sur la scène pour le dernier show. Le premier groupe est déjà passé et se tient en retrait impeccablement bien rangé. Encore un et ce sera notre tour de monter sur les planches. Rien que d'y penser l'adrénaline bouillonne en moi. Je ferme les yeux et répète mentalement les gestes de pilotage. Je les connais par coeur. Même dans le noir complet, je saurais exactement où se trouve le levier de stabilisation, les rétros fusées, l'indicateur d'horizontalité ou encore la commande d'évacuation d'urgence.

Espérons que je n'ai pas à me servir de celle là.

L'annonce du second groupe démarre d'un coup et me vole un sursaut. L'hologramme géant nous plonge au milieu d'arbres en tout genre, ou de végétaux qui y ressemblent. Les hauts parleurs poussés à fond crachent un ensemble de percussions qui nous fait vibrer tout entier. Certains remuent les épaules d'autres sont complètement hystériques. Le nom «ALPHA» s'affiche en grandes lettres sur le fond verdoyant. Puis les noms commencent à défiler au fur et à mesure que les membres montent sur la scène et s'y alignent tout le long. C'est un peu ridicule toute cette mise en scène. Qui sait si on ne nous envoie pas à la mort?

Soudain, les cris redoublent d'intensité, des voix féminines s'égosillent. Je devine que l'annonce du leader n'y est pas pour rien. Son nom en lettres dorées s'affiche: Aleksei KLEV récite la voix off, comme s'il s'agissait d'une révélation. A en croire les cris inouïs des filles tout autour de moi, sa réputation le précède. Je dois être honnête, tout ça m'exaspère. Dieu merci, ils se montre enfin, mettant un terme, je l'espère, à ce capharnaüm vocal. L'effet produit est totalement inverse, je renonce à croire que mes tympans sortiront indemnes de cette fosse à groupies.

Je soupire et songe à comment vont pouvoir se dérouler les prochaines heures. Le lancement. Je ne sais si mes mains tremblent d'excitation ou d'appréhension. Surement les deux.

Je me rappelle des journées d'entraînements, et des nuits aussi. Je ne sais pas à quoi ressemble les missions commando sur Terre, mais celle de préparation à la mission Noham aura traumatisée une génération. Les instructeurs ont une imagination débordante quand il s'agit de torturer le morale des recrues fraiches et vulnérables que nous étions.

Les salles d'entraînement Digamma étaient une gigantesque cuve, bordées par des reproduction de falaises brutes, remplies de neiges synthétiques jusqu'au mollet et agrémenter d'un bassin délicieusement glacial. Avec le temps, nous avions appris à anticiper les coups bas des instructeurs. Par exemple, si Rodrilan beuglait dans les hauts parleurs "vous voulez prendre l'air", chacun d'entre nous se recroquevillait en deux secondes pour faire face aux rafales qui nous percutaient en plein milieu du parcours imposé, et pensé pour nous arracher toute motivation et le trop plein de confiance. Les premiers temps, nous avions dû retourner au départ une bonne dizaine de fois. Ce n'est pas que l'on flanchait, mais seulement que les vents étaient si forts qu'ils nous empêchaient d'aller de l'avant.