Chapitre 46 : Viktoria

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Jour 28 / 15h02 / Camp Alpha

Cela fait désormais deux jours que nous sommes arrivés. Nous avons repris les entrainements, et par la même occasion, nous nous sommes rendus compte à quel point nous étions rouillés. Les gestes étaient moins droits qu'à l'ordinaire, les tirs moins précis... Cet après-midi, c'est entrainement de tir à nouveau. J'apprécie de retrouver mes réflexes, ça pourra toujours m'être utile. Je trouve qu'on reconnait bien le caractère de chacun à travers son arme préférée. Amy, par exemple, est douée au lancer de couteau, elle ne rate jamais sa cible. Je sais qu'elle déteste avoir une arme à feu dans les mains, elle qui aime tant le silence et la tranquillité. April, au contraire, est plus directe : son arme de prédilection est le pistolet, elle en garde toujours au moins deux sur elle. Kayne, lui, excelle  partout. Il est très à l'aise et ne semble avoir perdu aucune de ses capacités. Il me sourit quand il remarque que je l'observe, et un frisson fourmille dans mon ventre.

Manon et Alison, comme à leur habitude, travaillent en duo. Elles sont de très bons éléments. Au début de l'entrainement sur le Valkyrie, elles avaient peur d'être à la traine, car aucune des deux ne venait du secteur gris. Alors, elles se sont entraînées ensemble, sans relâche, se protégeant l'une l'autre, jusqu'à ce qu'on les confonde lors de leurs attaques. Elles semblent mener une danse mortelle, déchirant le coeur de chaque cible avec leurs mitrailleuses. Les cheveux violets de Manon volant autour d'elle viennent contraster ceux d'Alison, d'un blond presque blanc, et impeccablement rangés dans un chignon haut, à l'exception d'une mèche folle. Quand elles ont vidé leurs chargeurs, elles se regardent, se tapent dans la main, et explosent de rire.

Je suis fière du petit "E" qui orne ma combinaison. Notre groupe est réduit, mais les membres qui restent ont une volonté de vivre à toute épreuve. Je continue d'observer mes camarades. Timothy est tout au fond de la clairière, il répète des techniques de combat au corps à corps. Rayan est assis non loin de lui et l'observe. Il n'arrive plus à toucher une arme depuis qu'il a vu tous les dégâts que les armes nohamiennes ont faites sur le corps d'Alia. Cet accident lui a fait perdre la tête. Il ne dit presque plus rien. Je note dans un coin de ma tête qu'il faut que j'aille lui parler. À l'évidence, il a besoin d'aide. Au début, je pensais que ça lui passerait, qu'il finirait par se remettre de l'événement. Mais au contraire, les choses n'ont fait qu'empirer. Il s'est refermé sur lui même. Rien ne l'intéresse, il n'a envie de rien. En montant dans le dortoir prendre des munitions dans mon sac, hier, je l'ai entendu pleurer, seul. Mais je n'ai pas osé lui signifier que je l'avais entendu en allant lui parler, alors je suis repartie. En vérité, j'ai peur qu'il ne soit devenu rien d'autre qu'une coquille vide, incapable de ressentir quoi que ce soit si ce n'est de la tristesse. Je détourne les yeux, un sentiment désagréable et inexplicable dans le ventre. Il faut que j'aille lui parler.

Meredith n'est pas là. Je me demande ce qu'elle vaut au combat. Ethan, lui, tire au fusil. Calme et posé, il prend son temps pour que chaque cartouche tombe au plus juste. Je reporte mon attention sur mon arbalète. La quasi-totalité de mes traits arrivent en plein milieu de la cible, mais ils dévient de quelques millimètres lorsque je tire après avoir couru. C'est un exercice type que nous faisions sur le Valkyrie : sprint sur 50 mètres, puis arrêt brutal. Ensuite, une des 20 cibles autour de nous s'illuminait de bleu, et il fallait tirer le plus vite possible. Ici, je dois me contenter d'Amy qui m'indique une cible au hasard, mais c'est déjà ça. Nous sommes une vraie petite armée... 

Au bout de la treizième fois, je suis sur le point de tirer quand je sursaute violemment et envoie ma flèche dans  un arbre situé à 4 mètres de ma cible.

-Rejoins-moi. Immédiatement!

C'est la voix de Kayne, plus grave que jamais. Amy me regarde avec incompréhension. Je pose mon arme, lui dis que je reviens dans une minute et suis le point rouge sur mon bracelet, inquiète. Je marche plus vite, des tas de questions dans ma tête. Après m'être dirigée vers le sud-ouest pendant plusieurs centaines de mètres, je trouve enfin la localisation de son point. Mais il n'y a personne. Je l'appelle, sans réponse. Non, non, ce n'est pas possible. Je fais le tour du bosquet, sans aucune trace de lui. Puis, j'ai enfin l'idée de lever la tête. Il est assis sur une grosse branche d'arbre à environ dix mètres du sol, à califourchon, adossé à l'immense tronc. Je réfléchis au moyen de le rejoindre. Je ne peux pas atteindre les branches les plus basses, alors je sors un grappin (c'est fou comme c'est utile de se promener avec ce genre de babiole) et l'envoie se ficher dans une branche. Quelques minutes plus tard, je suis près de lui. Un grand sourire flotte sur son visage.

The Breach (Sous contrat d'édition)Where stories live. Discover now