1. Celle qui voulait entrer à Molière

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La façade de pierre anciennes, décorée par des frontons sculptés était impressionnante. Imposante même. Au dessus de l'immense porte était écrit en lettres d'or : Institut Molière. Simple mais intimidant. Devant l'entrée, elle était stoïque, incapable de bouger le moindre de ses muscles, comme si elle était paralysée. Le concerto de Vivaldi bourdonnait à ses oreilles. Une musique de circonstances dira-t-on, parfait pour l'occasion.

Une main bienveillante de posa alors sur son épaule. La jeune fille pivota légèrement pour lever ses grands yeux noisettes sur le visage sillonné de rides de son père. Bien qu'abimé par le temps et les journées de rude labeur, il arborait un port altier qui aurait pût le fondre parfaitement dans le décor. Il lui adressa alors un sourire bienveillant, accentué par sa bonhommie naturelle.

_ Tu es prête ? Interrogea-t-il de sa voix suave. Tu peut encore faire marche arrière si tu veux, Belle.

Mais sa fille secoua négativement la tête. Elle se tourna vers le bâtiment qui enfermait dans ses murs la clé d'un savoir et d'une exigence à laquelle Belle aspirait depuis trop longtemps. Elle avait trop travaillé, s'était trop abimé les yeux durant des heures sur les pages de ses manuels scolaires pour faire demi-tour. Molière était la porte qui la conduirait à ses rêves : la littérature.

Un jour, grâce à son éducation, elle siégerait à l'académie française, un jour son nom serait cité parmi les plus grands écrivain du vingt et unième siècle. Mais pour l'heure, elle devait d'abord quitter le bourbier dans lequel son milieu l'avait enfermé depuis trop longtemps. Adieu la politique laxiste de son ancien établissement scolaire et bonjour la rigueur et l'uniforme obligatoire ! Peu importe, elle visait l'excellence et l'obtiendrait en survivant ici durant trois ans. Seulement trois ans.

_ Allons-y, dit-elle avec un air déterminé peint sur son visage d'ange.

Son père sur ses talons, Belle pénétra à l'intérieur du hall d'entrée : avec un sol en damier et des arches hautes de deux mètres, ce qui attirait le plus son attention était le buste en marbre représentant Molière, planté entre deux escaliers. Derrière se dessinait es buissons taillés d'une cour intérieure. Tout ici semblait avoir traversé les âges pour finalement se retrouver confronter aux sonneries de téléphones, internet, et une nouvelle génération bien peu soucieuse du patrimoine légué par leurs ancêtres.

Ce n'était pas son cas. Si Belle était une adolescente comme les autres, elle n'en était pas moins tombée amoureuse de la culture de son pays, des illustres noms qui avaient forgés les fondations d'une civilisation que le monde leur enviait. Non pas uniquement pour la gastronomie, la couverture sociale ou la tour Effeil, mais aussi pour la langue, l'architecture, et surtout la littérature.

_ Mademoiselle Desjardins ? Lança soudain une voix glaciale.

Belle fit volte-face pour voir, juchée en haut des marches, une femme magnifique, vêtue d'un tailleur bleu marine qui lui octroyait un corps de jeune femme. Elle descendit l'escalier, faisant ainsi résonner ses escarpins sur le sol, avant de s'arrêter juste devant elle, la fixant de ses grands yeux noirs. Le rouge de ses lèves contrastait avec la pâleur de sa peau et l'ébène de ses cheveux parfaitement coiffés. Son apparence collait exactement à l'image de l'établissement : sévère mais magnifique.

Elle lui tendit une main assurée que la jeune fille s'empressa de serrer malgré la moiteur des siennes. Avec un petit sourire gêné, Belle essuya discrètement ses doigts sur son pull.

_ Victoria Marret, je suis la directrice de ce lycée. Suivez-moi, je vais vous conduire jusqu'à mon bureau.

Après avoir salué Monsieur Desjardins, les nouveaux venus trottinèrent prestement derrière ses talons pressés. Ils longèrent le cloître, passèrent devant plusieurs salles vides, jusqu'à déboucher sur un escalier de pierre orné d'un tapis rouge sang.

Les Princesses pas si charmantes...Donde viven las historias. Descúbrelo ahora